«Levier de transformation»
C'est cet état des lieux que la primaire vient bousculer. Avec deux millions de participants, ce vote reste dans le cercle de la famille socialiste: on pourrait caricaturer jusqu'à dire qu'il ne concerne que les actuels militants et tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont choisi de quitter ou de ne pas adhérer à un parti qu'ils estimaient confisqué par les barons et leurs manœuvres. Cet électorat est sans aucun doute un peu plus large mais il ne s'agit certainement pas de la «démocratie d'opinion» ou de la foule indistincte qu'ont dénoncé les opposants à ces primaires, refusant que la fonction essentielle d'un parti – sélectionner des candidats – lui échappe soudain.
En ce sens, Arnaud Montebourg, en charge de la rénovation du parti, a gagné ce soir en faisant réussir la primaire qu'il avait imposée aux poids lourds du parti.
On pourra à juste titre objecter que la victoire de François Hollande en ce premier tour n'est pas franchement celle de la rénovation. François Hollande, qui a dirigé onze ans le PS, ne s'est jamais ému du scandale du cumul des mandats et a toujours pris grand soin de soigner les grands féodaux et d'écarter toute vraie tentative de rénovation. C'est exact mais c'est aussi plus complexe.
Depuis le congrès de Reims, Hollande a quitté la direction du parti. Il s'est tenu à l'écart d'un scrutin pour le moins discutable et d'une alliance des grands féodaux avec Martine Aubry pour probablement voler la victoire de Ségolène Royal au poste de premier secrétaire.
Depuis un an, François Hollande a construit sa candidature à l'écart du parti (tout comme l'avait fait Ségolène Royal en 2006) et contre le «Pacte de Marrakech», cette alliance des strauss-kahniens, des aubryistes et des fabiusiens qui n'envisageaient pour DSK qu'une primaire de «confirmation».
C'est ce dispositif qui a volé en éclats ce soir. Ceux qui tiennent le parti, l'ont quadrillé et verrouillé depuis trois ans sont battus. François Hollande l'emporte sans doute pour avoir réussi à faire passer son unique message de candidat le plus à même de battre Sarkozy. Et l'outsider Arnaud Montebourg se retrouve au centre du jeu avec sa troisième place, quand le vieux parti l'avait toujours jusqu'alors confiné dans les recoins de la cour principale.
De ce point de vue, la primaire a bien agi comme ce «levier de transformation» du parti, que décrivait le secrétaire adjoint à la rénovation, Paul Alliès, dans un récent entretien à Mediapart (lire en cliquant ici le débat Paul Alliès, Rémi Lefebvre). Elle permet au PS de régler son problème principal, celui du leadership. Elle permet d'avoir fait émerger de nouveaux dirigeants, tel Arnaud Montebourg. Elle permet enfin de repolitiser le débat public sur des bases nouvelles comme l'ont montré les fortes audiences des trois débats télévisés.
L'enjeu principal sera désormais d'installer cette procédure de désignation des candidats à l'échelon local. Alors le vieux parti d'Epinay aura définitivement achevé sa mue.
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