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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 09:15
| Par François Bonnet

«Félicitations au PS, bel exercice de démocratie, tant mieux pour tout le monde»: c'est le ministre et jeune espoir sarkozyste Laurent Wauquiez qui s'est ainsi laissé aller sur Twitter! Un moment de lucidité bienvenu tant il est vrai que la droite a durant des mois vilipendé l'organisation d'une primaire à gauche, le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé osant même y voir, avant l'été, une «opération de fichage politique», avant de rétropédaler dans le désordre.

 

Au QG de Royal. Au QG de Royal.

Car bien avant que les résultats définitifs ne soient connus (et ils ne le sont pas à l'heure où cet article est écrit), le succès principal de la primaire PS tient d'abord à la participation des citoyens: près de deux millions et demi de personnes ont voté.

Cela signifie probablement un ticket aller sans retour possible, pour une nouvelle organisation du parti socialiste mais aussi, à terme, des autres formations politiques.

Ecartons d'abord ce qui est sans doute une fausse interprétation: le succès de la participation serait un «référendum anti-Sarkozy», selon plusieurs dirigeants socialistes. Aucun argument précis ne porte cette analyse. Ségolène Royal, candidate du PS en 2007, avait réuni 9,7 millions de voix au premier tour de l'élection présidentielle. Soit quatre fois plus que le nombre de votants de ce dimanche.

La levée en masse d'un peuple de gauche – ou du centre – voulant signifier son congé au chef de l'Etat n'a donc pas eu lieu. Arnaud Montebourg, il y a plusieurs semaines, envisageait une mobilisation pouvant dépasser les quatre millions de votants: alors oui, on aurait pu face à une telle mobilisation parler d'un ressort principal: le «Dehors Sarkozy».

Ce n'est pas le cas et ce n'est pas pour autant une mauvaise nouvelle pour le PS. Car cela contribuera à légitimer tout autant le candidat sorti vainqueur de la compétition. A deux millions de participants, qui a voté? Les 170.000 militants du PS, certainement. Les centaines de milliers de sympathisants ainsi que les électeurs réguliers également. En revanche, les électeurs des autres gauches tout comme les électeurs socialistes irréguliers ou se tenant à distance du PS n'ont probablement voté que de manière marginale.

En 2006 toujours, 160.000 militants encartés socialistes avaient voté lors de la primaire (Ségolène Royal l'avait emporté avec 60% des voix contre Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius). Le corps électoral qui désigne le candidat du PS est donc cette année multiplié par plus de 10. C'est cet élargissement qui pourrait à terme révolutionner le parti.

Depuis plus de vingt ans, le PS, bien qu'il soit l'un des deux grands partis de gouvernement, est une organisation squelettique de par ses effectifs: entre 120.000 et 180.000 militants selon les périodes, dont presque la moitié sont des élus! Tout a été fait pour décourager les citoyens d'adhérer, et François Hollande avait tenté en vain de combattre cette tendance en 2005-2006 avec les adhérents à 20 euros. Car l'irruption d'un nouveau peuple de militants aurait bouleversé les fragiles équilibres internes entre courants et représentait une menace pour les notables locaux.

Les témoignages sont innombrables de ces militants aussitôt découragés s'ils n'avaient pas le bon goût d'appartenir au courant dominant de leur section ou s'ils n'étaient pas du fan-club de l'élu local. Les sections «hors sol» soigneusement cultivées dans les Bouches-du-Rhône ou dans l'Hérault sont les exemples les plus caricaturaux de ces pratiques qui ont réduit un parti de masse (il l'était dans les années 1970) à un appareil tenu par des pratiques toutes féodales.

 

«Levier de transformation»

C'est cet état des lieux que la primaire vient bousculer. Avec deux millions de participants, ce vote reste dans le cercle de la famille socialiste: on pourrait caricaturer jusqu'à dire qu'il ne concerne que les actuels militants et tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont choisi de quitter ou de ne pas adhérer à un parti qu'ils estimaient confisqué par les barons et leurs manœuvres. Cet électorat est sans aucun doute un peu plus large mais il ne s'agit certainement pas de la «démocratie d'opinion» ou de la foule indistincte qu'ont dénoncé les opposants à ces primaires, refusant que la fonction essentielle d'un parti – sélectionner des candidats – lui échappe soudain.

En ce sens, Arnaud Montebourg, en charge de la rénovation du parti, a gagné ce soir en faisant réussir la primaire qu'il avait imposée aux poids lourds du parti.

 

Vendredi, dans les locaux de Mediapart Vendredi, dans les locaux de Mediapart© TC/MP
On pourra à juste titre objecter que la victoire de François Hollande en ce premier tour n'est pas franchement celle de la rénovation. François Hollande, qui a dirigé onze ans le PS, ne s'est jamais ému du scandale du cumul des mandats et a toujours pris grand soin de soigner les grands féodaux et d'écarter toute vraie tentative de rénovation. C'est exact mais c'est aussi plus complexe.

Depuis le congrès de Reims, Hollande a quitté la direction du parti. Il s'est tenu à l'écart d'un scrutin pour le moins discutable et d'une alliance des grands féodaux avec Martine Aubry pour probablement voler la victoire de Ségolène Royal au poste de premier secrétaire.

Depuis un an, François Hollande a construit sa candidature à l'écart du parti (tout comme l'avait fait Ségolène Royal en 2006) et contre le «Pacte de Marrakech», cette alliance des strauss-kahniens, des aubryistes et des fabiusiens qui n'envisageaient pour DSK qu'une primaire de «confirmation».

C'est ce dispositif qui a volé en éclats ce soir. Ceux qui tiennent le parti, l'ont quadrillé et verrouillé depuis trois ans sont battus. François Hollande l'emporte sans doute pour avoir réussi à faire passer son unique message de candidat le plus à même de battre Sarkozy. Et l'outsider Arnaud Montebourg se retrouve au centre du jeu avec sa troisième place, quand le vieux parti l'avait toujours jusqu'alors confiné dans les recoins de la cour principale.

De ce point de vue, la primaire a bien agi comme ce «levier de transformation» du parti, que décrivait le secrétaire adjoint à la rénovation, Paul Alliès, dans un récent entretien à Mediapart (lire en cliquant ici le débat Paul Alliès, Rémi Lefebvre). Elle permet au PS de régler son problème principal, celui du leadership. Elle permet d'avoir fait émerger de nouveaux dirigeants, tel Arnaud Montebourg. Elle permet enfin de repolitiser le débat public sur des bases nouvelles comme l'ont montré les fortes audiences des trois débats télévisés.

L'enjeu principal sera désormais d'installer cette procédure de désignation des candidats à l'échelon local. Alors le vieux parti d'Epinay aura définitivement achevé sa mue.

Pour retrouver tous les articles de Mediapart sur la primaire, son organisation et ses enjeux, cliquez ici. 

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