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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 17:16

 

(Source : Mondialisation.ca, par Pascal Sacré)

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« Wishful Thinking », cette expression anglo-saxonne signifie « prendre ses désirs pour la réalité ». Pour n’importe quel sujet, de l’authenticité ou non du Suaire de Turin [1] aux attentats du 11 septembre 2001, comment s’approcher de la vérité, sans prendre ses désirs pour la réalité ?

En Occident, dans les pays dit développés, et dans les pays riches par opposition au Tiers-Monde, une conviction indiscutable est l’impossibilité qu’un de nos gouvernements, ou une de nos institutions officielles soient criminelles ou puissent couvrir des activités criminelles. Cela peut arriver en République Démocratique du Congo, en Iran, en Afghanistan mais pas chez nous, en Occident. Il peut y avoir une pomme pourrie [2], ou quelques-unes, mais cela ne concerne jamais tout le système et de toute façon, ces pommes pourries finissent par être éliminées. « Nous avons un système de contrôle et de correction digne de foi. » C’est un credo profondément enfoui dans notre inconscient que pourtant aucune recherche honnête (lectures, analyses, réflexions) ne viendra confirmer. Que du contraire, malheureusement. Cette conviction, que notre système, hormis des exceptions, est fondamentalement sain, n’est bâtie sur aucune confirmation objective, mais sur une croyance qui nous éloigne irrémédiablement de la vérité.

L’élection de Barack Obama en 2008 à la présidence des Etats-Unis est un parfait exemple du « wishful thinking » [3]. Sans rien connaître de son passé, de ses fréquentations, de ses bailleurs de fond, pour tous ces millions de gens, le premier président noir de ce pays ne pouvait être, forcément, que quelqu’un de bien (a good guy) qui s’efforcerait obligatoirement de réparer les pots cassés par l’administration précédente. C’était possible, effectivement, et l’espérer était une chose. Mais en quoi était-ce évident ? Parce qu’il est noir, et souriant ? Beau parleur et encensé par toute la presse ? Démocrate et la bouche remplie de promesses correspondant exactement à ce que tout le monde voulait entendre ?

Les expériences chimiques (gaz moutarde et gaz urticant) menées par le Pentagone sur 60 000 militaires étatsuniens dans les années 40 ne sont pas une légende urbaine. La source de cette information ne vient pas d’un site internet anti-nouvel ordre mondial, mais du Congrès des Etats-Unis lui-même, dans un rapport de 1994 [4]. Ce rapport précise que la plupart des cobayes ne furent pas informés de la nature de l’expérience et que parmi ceux qui l’on su, certains furent menacés d’emprisonnement s’ils en parlaient avec quiconque, y compris leurs épouses, leurs parents ou leurs médecins de famille. Le Pentagone et les responsables de cette expérience nièrent avoir ordonné ces recherches pendant des dizaines d’années [5].

Cela n’est pas une preuve irréfutable que tous les gouvernements nous mentent tout le temps, ou que si le Pentagone a déjà été criminel, c’est qu’il est forcément derrière les attentats du 11 septembre 2001, mais cela prouve que ces institutions officielles peuvent être criminelles, peuvent mentir sur de graves sujets et très longtemps.

La journaliste April Oliver, son intégrité professionnelle lui ayant coûté sa place à CNN, a rapporté les détails de l’opération Tailwind, durant la guerre du Vietnam, où l’armée US avait fait usage de gaz innervants pour éliminer ses soldats qui avaient fui au Laos [6].

Ce n’est toujours pas la preuve que le gouvernement ou que des institutions officielles d’un pays comme les Etats-Unis ont nécessairement joué un double jeu le 11 septembre 2001, s’attaquant à leur propre population, mais cela montre qu’elles peuvent en avoir la volonté et qu’elles en ont la capacité.

L’expérience de Tuskegee menée de 1932 à 1972 sur la syphilis affectant des Noirs en Alabama [7], l’opération Northwoods en 1962 [8] seulement déclassifiée en avril 2001, le mensonge de l’administration Johnson sur l’incident fabriqué du Golfe du Tonkin [9] , un mensonge qui a entraîné les États-Unis dans une « opération de police » désastreuse qui allait durer 10 ans, et coûter la vie à plus de deux millions de personnes, ne sont encore et toujours pas des preuves formelles d’une implication de responsables étatsuniens dans les attentats de 2001, mais prouvent que cela n’a rien d’impossible et qu’il n’y a rien d’outrageant, de délirant ni de stupide dans cette hypothèse.

«  Nous avons une tendance naturelle à rechercher les opinions et les faits qui confirment nos propres opinions et hypothèses et à ignorer ceux qui les infirment. Nous retenons les éléments qui nous confortent dans notre vision ou notre choix, les exemples qui nous arrangent par rapport aux contre-exemples qui nous dérangent. On fait plus confiance à la météo quand elle annonce du beau temps. Les journaux financiers se vendent mieux quand la Bourse monte. […] Cet effet est encore amplifié lorsque nous avons intérêt à croire ce que nous croyons. » [10]

Concernant les attentats du 11 septembre, pour certains (appelons-les « les croyants »), accepter sans broncher la version officielle du gouvernement n’était pas suffisant. Il fallait également décourager, violemment si nécessaire, toute contestation de cette version. La mauvaise foi, la sélection des données, le sarcasme, l’emploi de qualificatifs réducteurs et méprisants, l’acharnement sur les points faibles des thèses contestataires, tout a été utilisé.

Alors que, ayant accès à toutes les pièces et pouvant interroger tous les protagonistes, les institutions officielles (Commission nationale, NIST, FEMA, Pentagone) elles-mêmes avaient échoué à prouver tout ce qu’elles avançaient, il a été reproché aux citoyens contestataires de proposer des hypothèses dont ils n’avaient aucune preuve !

Un des arguments massues des « croyants » est la conviction fondamentale qu’un gouvernement occidental comme celui des Etats-Unis, même aussi imparfait et brutal que l’administration Bush-Cheney, ne pourrait s’en prendre à sa propre population. De même qu’il serait tout aussi impensable que n’importe quelle structure, dans nos pays civilisés, y compris l’impitoyable complexe militaro-industriel, puisse s’en prendre à des civils, des innocents, des compatriotes. Ce serait évident lorsqu’il s’agit de musulmans faisant exploser un bus bondé de leurs congénères, mais irréaliste lorsque nous parlons de l’Occident.

Thierry Meyssan, journaliste et analyste politique français, a publié en 2002 la première étude contradictoire et structurée de l’attentat contre le Pentagone [11], critiquant avec documents à l’appui les explications lacunaires de l’administration Bush.Cette première étude n’était peut-être pas parfaite ni exempte de faiblesses, mais elle a eu le mérite de faire voler en éclats l’inviolabilité indiscutable de la version officielle du gouvernement des Etats-Unis, défendue becs et ongles par certains détracteurs hystériques de Thierry Meyssan [12-13]. D’autres auteurs sérieux, comme Nafeez Mosaddeq Ahmed, universitaire à la tête de l’Institute for Policy Research & Development de Brighton, dans son livre « La Guerre contre la liberté » [14] publié six mois après les attentats, ont étayé et complété les travaux de Meyssan.

Ces publications et ces premières recherches, discutant du problème aussi bien dans son actualité que dans son contexte général, avec des dizaines de pages de références, bousculant nos croyances toutes faites, ont donné le point de départ au Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre 2001 (9/11 Truth Movement), comptant par la suite des défenseurs comme le professeur émérite de philosophie des religions et de théologie de l’Université de Claremont, de renommée internationale, David Ray Griffin [15], le professeur d’économie à l’Université d’Ottawa Michel Chossudovsky [16], mais aussi des ingénieurs, des architectes, un professeur de physique de l’Université Brigham Young, des pilotes de ligne, des chimistes, des agents de l’administration et d’organes militaires US [17].

La naissance décalée du 9/11 Truth Movement, son développement progressif, avec des relais naissant dans tous les pays, en France avec le site ReOpen 911 [18], en Italie avec le film Zero de Franco Fracassi [19], était une réaction aux propres lacunes, incohérences, mensonges de la version officielle des Etats-Unis, de ses commission et instituts (NIST, FEMA) [20], et en aucun de ces cas un délire spontané et sans objet, qui aurait fusé en septembre 2001. Le 9/11 Truth Movement n’est pas un groupe antigouvernemental par nature, par sport, ou par hobby, une association de paranoïaques incurables qui auraient trouvé dans l’idée de complot gouvernemental un réconfort (sic) psychologique et un moyen de se rendre intéressant [21].

A cet égard, l’aveu de David Ray Griffin dans l’introduction d’un de ses livres, est un camouflet pour toutes ces personnes de Popular Mechanics (9/11 : Debunking the Myths, 2005), de la revue Skeptic (États-Unis, Vol.12, Numéro 4, 2006) ou pour Alexander Cockburn (traduit dans Le Monde diplomatique, décembre 2006) [22], aveu que ces derniers se gardent bien de citer lorsqu’ils construisent leur théorie selon laquelle tous les membres du 9/11 Truth Movement seraient des paranoïaques se méfiant instinctivement et sans raisons de l’Etat, préférant vivre dans le fantasme rassurant d’un complot gouvernemental (sic), que dans celui d’un complot mené par Ben Laden.

Trouvez-vous, vous aussi, comme la revue Skeptic, qu’il soit plus rassurant d’imaginer de vivre dans un pays dont le gouvernement pourrait être aussi malfaisant, plutôt que de se laisser bercer par la version officielle qui nous désigne le méchant musulman barbu comme coupable ?

Dans cet aveu, « Ma propre histoire », Griffin relate avec humilité et honnêteté les différentes étapes de son changement de point de vue sur les attentats [23]. Il a commencé, comme tous les autres, par accepter la thèse officielle, sans éprouver la nécessité maladive (et tant pis pour Cockburn et Cie) de chercher par lui-même une autre explication.

Griffin avait admis l’interprétation selon laquelle les attentats étaient le contrecoup de la politique étrangère des Etats-Unis, en particulier dans le monde arabe et musulman. Les connaissances particulières de Griffin, notamment sur les guerres menées contre le Mexique, les Philippines et le Vietnam par son pays, lui avaient cependant mis la puce à l’oreille sur la capacité au mensonge de son gouvernement. Comme il le dit : « Mais le fait d’en être conscient ne m’a pas immédiatement conduit à conclure que le 11 Septembre avait lui aussi été orchestré pour servir de prétexte. Cette pensée m’avait bien traversé l’esprit, mais je ne l’avais pas prise au sérieux. » Lorsqu’un professeur d’un autre pays le confronta à cette éventualité, en 2002, Griffin lui a répondu qu’il ne croyait « pas l’administration Bush – même l’administration Bush- capable d’un acte aussi odieux. » Griffin finit par visiter quelques sites internet renseignés par son ami professeur mais ne les trouva pas convaincants et retourna à ses certitudes rassurantes car conforme à ses croyances de base, celles d’un gouvernement fondamentalement bon, même imparfait. Ce n’est qu’une fois aiguillé sur le site de Paul Thomson, qui reprend en détails l’énorme chronologie de tous les événements du 11 septembre 2001 [24], que Griffin, pris de doutes inconfortables, commença à réellement chercher par lui-même, non pas une façon de confirmer, conforter à tout prix ses croyances de base, mais de s’approcher de la vérité, quelle qu’elle soit. Il s’est mis à lire aussi bien des auteurs comme Nafeez Mosaddeq Ahmed, que des documents officiels du gouvernement comme le rapport de la Commission Kean-Hamilton. Vous connaissez la suite [25].

L’évolution des croyances de David Ray Griffin vis-à-vis des attentats de 2001 est la même que celle de la plupart des citoyens qui ont fini par rejeter la version officielle. Intéressez-vous vraiment, et personnellement (ceux qui l’ont fait comprendront) à la version officielle servie par les Etats-Unis, dans tous ses aspects, et inévitablement, vous évoluerez comme David Ray Griffin.

Cette évolution ne procède pas d’une paranoïa instinctive qui pousserait à trouver dans les théories du complot selon Cockburn et Cie un réconfort psychologique, ni d’un goût maladif pour le « conspirationnisme », mais bien de la prise de conscience, une fois qu’on y réfléchit, en mettant de côté les dogmes, les codes, et les croyances, de l’impossibilité de la version officielle, en tout cas de son caractère incomplet, mensonger et orienté dans tous ses aspects principaux. Comme le dit honnêtement Griffin, tant qu’il n’y a pas réfléchi, vraiment, l’esprit ouvert et lucide, il s’est contenté de ses croyances de base notamment celle d’un gouvernement occidental normalement incapable de telles vilenies, évidence pourtant infirmée par les faits précités et par toute l’Histoire.

La réaction des délégations étatsunienne et européenne à l’intervention du président iranien Ahmadinejad à la tribune de l’ONU, tout récemment [26-27], montre bien, neuf ans après les attentats, combien ces croyances limitantes de base sont encore à l’œuvre aujourd’hui. Certains représentants occidentaux ont même justifié leur attitude puérile [28] en invoquant l’insulte faite aux familles des victimes du 11 septembre par le discours prétendument provocateur d’Ahmadinejad. Cela est en contradiction parfaite avec le fait que ce sont les familles de certaines victimes du 11 septembre elles-mêmes qui ont le plus critiqué la version officielle de l’administration étatsunienne, en en soulignant tous les manquements et toutes les contradictions [29]. C’est parmi les familles des victimes du 11 septembre 2001 que se trouvent les témoignages les plus virulents de tous à l’encontre de leur gouvernement, de leur administration et de leur enquête officielle à propos des attentats.

Ceux qui tentent de se libérer de leurs croyances infondées, de ne plus prendre leurs désirs pour la réalité, et qui abordent la version officielle du 11 septembre 2001 avec un esprit critique et non rempli de préjugés, en « portant un nouveau regard », comme le dit l’édition du 11 septembre 2009 du Time magazine elle-même [30], augmentent leurs chances d’approcher la vérité.

Nos croyances, qui ne sont en rien des preuves, ni des vérités, mais des généralisations issues de nos multiples conditionnements, sont bien les plus grands obstacles entre nous et la réalité.

Pourquoi, après un bon départ, le Mouvement pour la vérité sur le 11 septembre stagne-t-il toujours, neuf ans après, même si le doute se répand de plus en plus et si de nouveaux mouvements naissent tous les ans [31] (Scientists for 9/11 Truth, US Military Officers for 9/11 Truth, Actors & Artists for 9/11 Truth) ? La routine s’est-elle installée ? Des documents sont ajoutés, des rappels publiés, des manifestations et conférences ponctuelles, programmées… Certains des membres du 9/11 Truth Movement finissent par utiliser les mêmes armes que leurs détracteurs : sarcasmes, insultes, attachement excessif à leurs théories du moment. Est-ce dû à l’infiltration promise de ces mouvements [32] suivie de leur neutralisation par des provocations et des débats stériles où les idées de chacun ne sont là que pour annuler celles des autres ?

De nombreuses illusions entourent toujours ce drame, illusions dont se servent encore les leaders occidentaux pour justifier leur attitude et leur lâcheté, comme en témoigne leur fuite à l’ONU face aux questions de Mahmoud Ahmadinejad [33], questions déjà posées par les familles de certaines victimes du 11 septembre à leurs institutions et à leur gouvernement, le comble ! Ce dernier, caché derrière des croyances qui ne sont pas des preuves et préférant la technique de l’outrage, n’a toujours pas daigné répondre, ni à l’un, ni aux autres.

Les responsables, non pas du drame du 11 septembre, car cela reste encore à prouver, mais de l’enquête sur ce drame, ne vous ont toujours pas répondu.

Pascal Sacré

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13 août 2010 5 13 /08 /août /2010 13:14

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25 juillet 2010 7 25 /07 /juillet /2010 16:41

Philippe Canonne, Martine Jacquin, Moch Sovanarry de Avocats sans frontiére.

 

Le premier procès dit "des Khmers rouges", celui de Douch, directeur du centre de détention et de torture S21, responsable de l'extermination de 12 000 personnes (et sans doute davantage), s'achèvera, le 26 juillet, par le prononcé du verdict. Quarante années de réclusion criminelle ont été requises, en décembre 2009, par les coprocureurs, au terme d'une minutieuse instruction et de très longs débats. Pour la première fois devant une juridiction pénale internationale chargée de juger des crimes de masse - crimes contre l'humanité - et ce depuis le tribunal de Nuremberg, les survivants des victimes ou leurs familles ont pu être entendues non seulement comme témoins mais comme parties civiles.

Ce procès était historique, de nombreux juristes et associations de défense des droits de l'homme souhaitant lui voir acquérir un statut de modèle pour la réforme et l'évolution du système judiciaire au Cambodge. Conformément à la Constitution, le pouvoir judiciaire est indépendant et les décisions de justice seront rendues au nom du peuple khmer même si, à chacun de ses rouages, le mécanisme, sous l'égide des Nations unies, aura été mixte et la procédure pénale bâtie à la fois sur le droit anglo-saxon (common law) et le droit romano-germanique (civil law).

 

Donner la parole aux victimes, c'était leur permettre de livrer le récit des atrocités subies, libérer leurs émotions, montrer leur réflexion profonde et exprimer leur volonté de pacification, au-delà de la juste réparation. C'était peut-être donner au monde à comprendre comment des hommes, au nom d'une idéologie de masse, ont pu exceller dans l'horreur, massacrer leurs frères sans discuter les ordres et les jeter par millions sur les chemins de l'exil ou les voies de la mort.

Briser le silence, aider à appréhender l'inacceptable, tenter d'oublier, exprimer sans haine mais sans complaisance l'immensité de la souffrance endurée, conduire ces rescapés à recouvrer leur dignité d'êtres humains, effacer pour toujours le souvenir d'avoir été des "choses" que les tortionnaires voulaient écraser pour instaurer une nouvelle société composée au final de quelques milliers d'individus : tel fut notre objectif...

Au début de l'instruction, seules huit victimes avaient osé se constituer parties civiles. Devenues emblématiques, elles en ont conduit d'autres à adopter la même démarche : à l'audience finale, une centaine de personnes montraient courageusement leur existence et leur soif de justice.

En amont de cette audience, les avocats de la défense posaient comme enjeu la possibilité pour leur client de retrouver une place dans l'humanité du XXIe siècle après avoir reconnu ses crimes et de se repentir de ceux-ci aujourd'hui. Tenant pour prioritaire cette réhabilitation individuelle et rédemptrice et dictant aux victimes ce qu'à leur sens elles auraient à faire ou à ne pas faire, ils formulaient l'injonction suivante : "Ne pas transformer ce procès, de par leur nombre, de par une haine à peine dissimulée, en un rituel sacrificiel et rester à (leur) place pour exprimer leur souffrance et la mémoire des disparus..." (Le Monde du 12 octobre 2009).

Autrement dit, il aurait été convenable de les voir se murer dans un mutisme dont on leur aurait su gré, respectueusement, et redevenir des "choses", méprisées et écrasées... La suite a prouvé le caractère déplacé d'un tel diktat : les parties civiles présentes au procès ont témoigné d'une dignité exemplaire : abattues, recrues de fatigue ou de désespoir, ignorantes du sort qui leur serait réservé, émues aux larmes à l'évocation des actes de torture et terrassées par le sang-froid d'un accusé se décrivant comme "méticuleux" dans l'accomplissement d'une tâche, fût-elle meurtrière, elles ont assisté aux débats sans jamais se laisser aller à la moindre invective, au moindre excès de langage. Aucune vindicte, aucune haine, seulement la volonté de comprendre l'homme derrière le monstre froid, d'accéder à l'incompréhensible et d'éviter la répétition de l'horreur !

Il nous aura fallu batailler, convaincre les chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) de s'affranchir de la lourdeur bureaucratique et du verrouillage sécuritaire propre à ce type de juridictions régies et dominées par le droit anglo-saxon, laisser place à la libre parole, accepter une convenable répartition des temps d'intervention, y compris des modestes parties civiles.

L'administration avait voulu rassembler les victimes en quatre groupes. Réunies tout au long de ce procès, cultivées et socialement installées ou peu instruites et démunies, elles auront formé une véritable famille. Cette fraternité humaine aura démontré que, là où la dictature ne peut niveler et anéantir, l'intelligence partagée peut construire et projeter pour l'avenir.

Sept longs mois de patience et d'espoir renouvelés exigent une lecture de la sentence dans le plus grand recueillement et la plus grande attention, eu égard au coup de théâtre survenu, en décembre 2009, à l'issue des plaidoiries de la défense : après les interrogations nuancées de Me Roux (avocat de Douch) sur le contexte historique et politique, le poids de la hiérarchie implacable et intraitable, l'implication personnelle de l'accusé, ses excuses publiques et son repentir, en un mot sur la question d'éventuelles circonstances atténuantes, après l'apparente prise en compte de l'attitude des victimes, Douch, au dernier de ses mots et relayant en cela le discours de son avocat cambodgien, avait sollicité l'acquittement.

Nous avions alors douloureusement réagi en affirmant que l'accusé était passé à côté de l'histoire et avait renié son peuple. Le tribunal tranchera. Les victimes savent qu'elles ne pourront prétendre à un dédommagement individuel et financier. Qui paierait ? La réparation ne pourra être que symbolique et collective. Cependant, des voix s'élèvent, des colloques s'organisent pour ouvrir un grand chantier sur cette question. Il faudra bien, en effet, se préoccuper de la réhabilitation de ces gens dont la vie a connu l'irruption brutale d'un tel régime ?

Chacune des victimes suivra désormais son propre chemin pour accorder ou non son pardon. "Si l'on ne veut subir l'Histoire, il faut tenter de la comprendre", écrivait l'historien et ancien président de la Ligue des droits de l'homme Henri Nogueres (1916-1990), dans La vérité aura le dernier mot (Seuil, 1985), après le procès de Klaus Barbie. Le procès Douch aura démontré, lui, comment l'homme, mû par une croyance aveugle et conforté par une bureaucratie sans égale, peut atteindre les limites de la raison. Pour éviter de se perdre, la parole est libératrice. Elle est ici passée, elle a été entendue. Certains se lancent un défi, d'autres mènent un combat : celui de la vérité, c'est-à-dire de l'humanité.

A l'aube du prochain procès, où comparaîtront quatre des hauts dirigeants politiques de l'époque, plus de 3 000 parties civiles sont aujourd'hui constituées. Que de chemin parcouru !

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 14:34

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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 14:30

Le procureur Philippe Courroye assure qu'il vérifiera tous les faits. Vous estimez, de votre côté, qu'il multiplie les erreurs…

Eva Joly : Il opère dans un cadre procédural inadéquat. Quand il frappe à la porte de Patrice de Maistre [le gestionnaire de la fortune Bettencourt], c'est sur le mode "acceptez-vous que l'on perquisitionne chez vous ?". Impossible de surprendre quelqu'un dans ces conditions. Croyez-moi, dans l'affaire Elf, on n'aurait pas trouvé grand-chose ainsi.

En tant que procureur, depuis les lois Perben, il lui faut, pour perquisitionner, soit l'assentiment du perquisitionné, soit l'autorisation du juge des libertés et de la détention. D'autant que cet accord du JLD n'est possible que pour les infractions les plus graves, et pas pour le vol, par exemple.

D'où une perte de temps énorme, que l'on retrouve aussi s'il s'agit de mettre en place des écoutes téléphoniques. Il se prive de moyens d'enquête efficaces, prévus par la loi. On pourrait dire qu'il est coupable de complicité de destruction de preuves par abstention. Le juge d'instruction, lui, est seul maître à bord.

Du coup, pourquoi ne saisit-il pas un juge d'instruction ?

J'ai bien connu Philippe Courroye quand j'étais au pôle financier, et je ne souhaite qu'une seule chose, qu'il redevienne lui-même, ce magistrat qui sortait de gros dossiers. Qu'il se réveille, sa place n'est pas à la table des Chirac !

Il est trop orgueilleux et vaniteux désormais, il semble souffrir du même syndrome que Nicolas Sarkozy, celui de la toute-puissance et de l'impunité. D'autant que le procureur Courroye est au cœur d'un conflit d'intérêt : il est cité dans les enregistrements clandestins, et c'est lui qui a classé l'enquête pour abus de faiblesse visant l'entourage de la milliardaire.

Il n'est pas l'homme de la situation, c'est un procureur aux ordres, et sa position va même fournir des arguments à ceux qui voudraient annuler la procédure. Il n'est pas reconnu comme autorité judiciaire, selon la jurisprudence visant la garde à vue de la Cour européenne des droits de l'homme, certains de ses actes pourraient être attaqués.

Qu'auriez-vous fait si, en tant que juge, vous aviez été chargée de ce dossier ?

Je vous rappelle que le secret fiscal n'est pas opposable au juge d'instruction. J'aurais déjà lancé des commissions rogatoires internationales, ce que ne peut faire un procureur, pour examiner les comptes suisses de Mme Bettencourt. On suppose que 100 000 euros en ont été retirés en mars 2007, ce serait bien de le vérifier. Je pense que M.Courroye a choisi volontairement ce cadre procédural pour ne pas aller au fond des choses.

Il faut des méthodes coercitives, on ne peut pas demander aux gens de nous donner gentiment leur numéro de compte au Liechtenstein ! Il ne sert pas l'intérêt de la justice, il a été placé à ce poste en raison de ses failles psychologiques, et aussi parce que l'on a prise sur lui.

C'est "halte au feu, couchons-nous…". Ainsi, il a classé l'enquête pour abus de faiblesse visant François-Marie Banier, alors que le rôle du procureur, c'est tout de même de protéger les faibles, et donc Mme Bettencourt contre elle-même !

Quels sont les délits qui vous semblent les plus évidents, dans le dossier Woerth-Bettencourt?

Dans l'affaire Woerth-Bettencourt, le conflit d'intérêt, qui n'est pas un délit, est patent, il n'y a même pas besoin d'enquêter. En revanche, il faut matérialiser les infractions. On pourrait parler de faux et usage de faux, blanchiment et recel de fraude fiscale, prise illégale d'intérêts… Le champ est large !

Il faut poser des questions qui vont au-delà même du problème Woerth. Par exemple, quelle est l'origine des fonds Bettencourt en Suisse?

Reste que le procureur Courroye a tout de même ordonné trois enquêtes préliminaires, et qu'il multiplie les perquisitions et les auditions…

On assiste là à une opération de blanchiment vis-à-vis de l'opinion publique, ces enquêtes ne sont que des contre-feux, elles ne peuvent aboutir, tout le monde le sait.

Il était aussi totalement inusité que le parquet fasse appel de la décision du tribunal d'ordonner un supplément d'information. Isabelle Prévost-Desprez est pourtant un pilier, elle n'a aucun plan de carrière, il existe tout un plan de communication pour la discréditer. C'est injuste.

Nicolas Sarkozy estime que l'affaire est désormais terminée. Qu'en pensez-vous ?

Je trouve que ses attaques contre la presse sont scandaleuses. Mettre le couvercle de cette manière sur le débat public, cela indique une culture, celle de l'absence de transparence. Cela souligne l'immaturité de notre débat démocratique. Les observateurs étrangers sont effarés, ils parlent même d'un Watergate à la française. Nous sommes là en pleine crise de conscience de l'Etat.

Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) a conclu à la non-intervention d'Eric Woerth dans le dossier Bettencourt…

Ce rapport de l'IGF, c'est la peau d'âne d'Eric Woerth. J'ai travaillé trois ans au Trésor, je connais ces institutions pyramidales. L'IGF travaille sous les ordres du ministre, son rôle n'est pas de vérifier ses actions ! Cette procédure n'est pas contradictoire, elle est suspecte.

L'IGF n'a travaillé que sur pièces, celles qu'on a bien voulu lui donner. Le pouvoir a procédé au détournement du crédit d'une telle institution. Seule une vraie enquête judiciaire pourra blanchir Eric Woerth. Les citoyens sont réduits au rôle d'observateurs méprisés.

Propos recueillis par Gérard Davet
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15 juillet 2010 4 15 /07 /juillet /2010 09:40
 

 

Mediapart accueille l'Appel du 14-Juillet pour une justice indépendante et impartiale dans les affaires Bettencourt. Vous pouvez le signer en ligne ci-dessous.

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APPEL DU 14 JUILLET 

Pour une justice indépendante et impartiale 

À propos des affaires Bettencourt 
 

Les affaires Bettencourt qui dominent la vie politique française depuis plus de trois semaines donnent en spectacle une justice aux antipodes des principes directeurs du procès pénal et des exigences du droit européen récemment rappelées par la Cour européenne des droits de l'homme dans ses arrêts «Medvedyev».  

Le procureur de la République de Nanterre comme le procureur général de Versailles, du fait de leur lien direct et statutaire avec le pouvoir exécutif, ne peuvent présenter aucune garantie d'impartialité.  

Quant à la procédure d'enquête préliminaire privilégiée par le pouvoir dans ce dossier, elle est secrète et non contradictoire.  

Il est urgent qu'une instruction soit ouverte et qu'elle soit confiée à un collège de juges indépendants respectant les règles du procès équitable, notamment la présomption d'innocence, le principe du contradictoire et les droits de la défense.  

Le discrédit jeté sur notre justice ne doit plus durer.  

 

Signer la pétion : sur ce lien 

 

 

Les quarante-huit premiers signataires 

1. Christine Lazerges, professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, présidente du club Droits, Justice et Sécurités;
2. Thomas Clay, doyen de la faculté de droit de Versailles , président d'honneur du club Droits, Justice et Sécurités;
3. Gilbert Flam, magistrat, secrétaire général du club Droits, Justice et Sécurités;
4. Simone Gaboriau, magistrat, vice-présidente du club Droits, Justice et Sécurités;
5. Sabrina Goldman, avocat, secrétaire générale-adjointe du club Droits, Justice et Sécurités;
6. Caroline Diot, avocat, secrétaire générale-adjointe du club Droits, Justice et Sécurités;
7. Elisabeth Guigou, députée, ancienne Garde des Sceaux;
8. Paul Cassia, professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne;
9. Yves Cochet, député, ancien ministre;
10. Emmanuelle Saulnier, professeur de droit à l'université de Versailles;
11. Arnaud Montebourg, député;
12. Alain Molla, avocat;
13. Sandrine Mazetier, députée;
14. Frédérique Cassereau, avocat, maître de conférences à l'IEP de Paris;
15. Alain Anziani, sénateur;
16. William Bourdon, avocat;
17. Bernard Derosier, député;
18. Matthias Guillou, avocat;
19. Alain Vidalies, député;
20. Christophe Leguevaques, avocat;
21. George Pau Langevin, députée;
22. Christian Mouhanna, chercheur;
23. Jean-Marc Mojica, avocat;
24. Elisabeth Auerbacher, avocat;
25. Noël Mamère, député;
26. Patrick Klugman, avocat;
27. Olivier Dussopt, député;
28. Xavier Autain, avocat;
29. Jean-Pierre Versini-Campinchi, avocat;
30. Jean-Pierre Dintilhac, magistrat honoraire;
31. Guy Delcourt, député;
32. Françoise Neher, magistrat honoraire;
33. Guillaume Barbe, avocat;
34. Pascal Montfort, magistrat;
35. Dominique Raimbourg, député;
36. Marie-Pierre de la Gontrie, avocat, secrétaire nationale à la justice et aux libertés du PS;
37. Paul Alliès, professeur de science politique à l'université de droit de Montpellier;
38. François Colcombet, magistrat honoraire;
39. Roland Rappaport, avocat;
40. Jean Codognes, avocat;
41. Dominique Barella, magistrat;
42. François-Yves Boscher, controleur général honoraire de la police nationale;
43. Evelyne Pisier, professeur de droit émérite à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne;
44. Olivier Duhamel, professeur des universités à SciencesPo;

45. Bastien François, professeur de sciences politiques (Paris I);
46. Aurélie Filippetti, députée;
47. Olivier Beaud, professeur de sciences politiques (Paris II);

48. Jean-Jacques Urvoas, député, secrétaire national à la sécurité du PS.

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23 mai 2010 7 23 /05 /mai /2010 14:54

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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 07:19

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28 avril 2010 3 28 /04 /avril /2010 18:25

 

Dans le panier de crabes des affaires d'Etat, on connaissait celle des frégates de Taiwan, avec ses rétrocommissions jamais démêlées. Selon les informations de Libération, un autre scandale pourrait éclater, un peu plus à l'ouest, quelque part entre le Pakistan et la France. Citant des documents bancaires qu'il s'est procuré, le journaliste Guillaume Dasquié affirme qu'Edouard Balladur aurait touché des commissions sur la vente de sous-marins à Islamabad en 1994. Ces sommes seraient ensuite venues alimenter son compte de campagne pour l'élection présidentielle de 1995. Ces révélations interviennent dans un climat tendu, alors que la lumière n'a toujours pas été faite autour de l'attentat de Karachi en 2002, qui avait coûté la vie à 14 personnes, dont 11 Français, employés de la Direction des constructions navales.

Depuis plusieurs mois déjà, les rédactions et les couloirs des tribunaux bruissent des bribes d'informations sur le «Karachigate». Dès juin 2009, Olivier Morice, avocat de sept familles de victimes, soutenait que le gel des paiements entre la France et le Pakistan était peut-être le mobile de l'attentat. Pour étayer son argumentaire, il citait une note interne de la DNCI, filiale commerciale de la direction des chantiers navals. A l'époque, Nicolas Sarkozy (porte-parole et directeur de campagne d'Edouard Balladur en 1995) avait balayé cette hypothèse d'un revers de main, évoquant une «fable grotesque».

Mis sous pression, Edouard Balladur a décidé mardi de sortir de sa réserve. Dans une tribune à paraître mardi dans Le Figaro, l'ancien Premier ministre dément les accusations formulées par Libération:

Dans cette présentation des choses rien ne correspond à la vérité, rien n'est étayé par les faits, tout s'appuie pour l'essentiel sur une note émanant d'un agent d'une officine privée de sécurité, note établie en 2002, après l'attentat, et qui amalgame un tissu d'invraisemblances et d'absurdités [...] Je m'en tiens à ce dont je suis certain : je n'ai pris en tant que Premier Ministre aucune décision d'octroi de commissions ; les comptes de ma campagne présidentielle ont été validés sans réserve, il y a quinze ans, par le Conseil constitutionnel.

A en croire Le Point, Edouard Balladur aurait également émis le souhait d'être auditionné par la Commission d'enquête parlementaire sur l'attentat de Karachi. Comme le souligne le site de l'hebdomadaire, cette initiative a pris la majorité à contre-pied, puisque l'UMP avait affiché son hostilité quant à toute convocation de l'ex-Premier ministre de François Mitterrand.

[Lire les articles sur le site de Libération (payant), de L'Express, du Figaro et du Point]

 

Sources : Slate.fr

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26 avril 2010 1 26 /04 /avril /2010 13:15

COMMENT CA MARCHE

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