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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 18:02
Un sommet pour sauver le Mékong

Le Mékong près de la frontière entre le Laos et la Thailande, dans la province thailandaise de Chiang Rai au nord de Bangkok.
Reuters/Chaiwat Subprasom
Par Quoc Chinh Bach / Stéphane Lagarde / Yéléna Tomic

Pas moins de 60 millions de Vietnamiens, de Laotiens, de Thaïlandais, de Cambodgiens ont les yeux tournés vers Hua Hin, en Thaïlande, ce lundi 5 avril. La station balnéaire accueille le premier sommet des pays riverains du Mékong depuis 1995 et la création de la commission intergouvernementale de consultation sur la gestion des eaux du fleuve. La Chine et la Birmanie sont présentes en tant qu’observateurs. Il y a urgence. Dans certaines régions, le fleuve a atteint son plus bas niveau depuis un demi-siècle.

 

Source RFI. La suite sur ce lien

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3 avril 2010 6 03 /04 /avril /2010 08:39

CAMB09-521.jpg

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25 janvier 2010 1 25 /01 /janvier /2010 16:38
MEKONG-2008-021.jpg

Le Mékong est un fleuve d’Asie du Sud-Est, le dixième du monde et le quatrième fleuve de l’Asie par le débit (après le Yangzi Jiang, le Gange-Bramahpoutre et l’Ienisseï), son débit moyen atteignant 284 km3 d’eau par an. Les chiffres concernant sa longueur varient de 4 350 à 4 909 km, la mettant en 1re place, et son bassin versant draine 810 000 km2[1].

Né dans le Tibet oriental (sur les hauteurs de l’Himalaya), le Mékong arrose successivement la Chine (la province du Yunnan), borde le Laos à la frontière du Myanmar puis de la Thaïlande avant de couler au Laos et de revenir à sa frontière, puis traverse le Cambodge où naissent les premiers bras de son delta, qui se prolonge dans le sud du Viêt Nam où il est appelé traditionnellement le « fleuve des neuf dragons » ou Sông Cửu Long.

Environ 70 millions d’habitants vivent directement dans son bassin versant, situé sur des pays totalisant 242 millions d’habitants. Il est notamment utilisé pour l’irrigation, comme réceptacle de systèmes de drainage et d’eaux usées, pour la pêche et la pisciculture, la production hydroélectrique (grâce aux barrages comme celui au Yunnan), le transport et la fourniture d’eau pour l’industrie et les particuliers. Il est également connu pour ses habitations et marchés flottants.

Une commission internationale[2], la Mekong River Commission, créée en 1995, est consacrée à une gestion transrégionale des conflits et problèmes liés au fleuve, dans une perspective affichée de développement durable[3] signé par la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Viêt Nam.

La suite sur ce lien

 

MEKONG-2008-017.jpg

 

 

MEKONG-2008-006.jpg

 

Sur le N° 371 de GEO (Janvier 2010), trés bons  articles sur le Laos et le Cambodge. A mon tour et en tte simplicité : mon Cambodge à moi du Mékong à Angkor. Plus d'info sur ce lien

 

ANGKOR-2008-016.jpg

 

ANGKOR-2008-042

 

Autres photos de l'auteur (comme les précédentes !) sur ce lien

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20 mai 2009 3 20 /05 /mai /2009 12:11
Génocide khmer : pour un docu participatif, un village se souvient

Des participants au documentaire "We Want (u) to Know" (John Vink)

(De Phnom Penh) « We Want (u) to Know », sorti au début du mois de mai, est un documentaire qui donne la parole aux survivants du régime khmer rouge, que ses initiateurs ont voulu différent de ce qui a déjà été produit sur le sujet.

La démarche ne se veut pas historique, juridique ou pédagogique mais bien « participative », comme l(explique la réalisatrice italienne Ella Pugliese.

Du scénario à la prise d'images, en passant par le jeu d'acteurs et la prise de son, une grande partie des étapes de la réalisation ont été confiées à des villageois, guidés techniquement par Pugliese et soutenus psychologiquement par l'Allemande Judith Strasser, conseillère sur ce projet pour le compte du Service de développement allemand (Ded).

Un titre à double sens : savoir et faire savoir

Le titre du film a un double sens : nous voulons que vous (comprendre, avant tout, la jeune génération) sachiez ce qui s'est passé, mais nous voulons également savoir ce qui s'est passé.

Un entretien entre une grand-mère aveugle, qui a perdu tous les siens sous les khmers rouges, et un innocent garçon de 12 ans illustre cette double intention. Micro en main, l'enfant, à peine entré dans l'adolescence, interroge librement l'ancienne, sur le ton du bavardage et sous l'œil de la caméra.

- « Dis, grand-mère, je me demandais à quoi ressemblaient les “Pol Pot”
- A n'importe qui d'entre nous mais ils se comportaient différemment.
- Et où sont-ils aujourd'hui ?
- Ils sont partis, je ne sais pas où. Après la chute du régime, les leaders sont partis et ont laissé derrière eux leurs subordonnés. C'étaient des villageois comme nous mais ils sont devenus des « Pol Pot'.
- Grand-mère, je me demandais pourquoi ils ont tué des Khmers ?
- Je ne sais pas… Grand-mère ne sait pas pourquoi ils ont fait ça. Ils ont suivi leur règle. Et leur règle, c'était de tuer… »

Judith Strasser, Ella Pugliese et Shanti Sattler, auteurs de "We Want (U) to Know" (John Vink)

Se succèdent ainsi des témoignages, la reconstitution d'épisodes vécus par les habitants du village de Thnol Lok (district de Kirirom, province de Takéo), des scènes de préparatifs…

Parfois, c'est par un dessin que l'histoire est racontée, griffonné à même le sol d'une
pagode dont les murs portent encore les stigmates rouge sang du régime
génocidaire.

On y voit aussi un des caciques du bourg réajuster l'étoffe à carreaux
rouges et blancs d'un jeune en pyjama noir, incarnant un soldat de
l'Angkar, tout en grommelant « tu ne sais pas nouer ton krama autour du
cou ! ». On écoute enfin un survivant, qui désigne de la main un ancien
charnier.

Les âges se mélangent dans cette équipe improvisée, comme dans l'assemblée qui venait chaque soir nombreuse regarder les scènes tournées le jour, les visages soudain graves devant ces bribes d'un passé soudain ressurgi.

Le film conclut sur les images de l'ouverture, le 30 mars 2009, du procès de Duch, l'ancien directeur de S-21, aux Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC).

Une approche communautaire et participative

L'idée de ce projet a germé il y a un an dans le cadre d'un groupe de travail sur les problèmes mentaux rencontrés chez les rescapés du régime khmer rouge.

Entre visites de lieux de mémoire, connus ou insoupçonnés, à Phnom Penh et dans les provinces de Siem Reap, de Takéo et de Kratié, le défi était de rallier des villageois à cette aventure. Ella Pugliese se souvient :

« On était curieux de voir ce que donnerait cette approche : venir dans les villages avec des caméras, avec des outils de création, et demander aux habitants s'ils avaient envie de faire quelque chose avec pour parler du passé. »

L'Italienne est encore surprise de voir à quel point l'histoire est encore présente chez eux. Le concept leur fut tout d'abord étranger, concède Judith Strasser.

« Que faire de la mémoire ? » Après de longues discussions, assez spontanément, des villageois ont accepté de retricoter des liens avec cette époque douloureuse et, sur le principe de l'auberge espagnole, chacun est venu avec son histoire, ses idées de tournage.

« Certains ont proposé de faire revivre les scènes de tueries. On s'est montré tout d'abord sceptiques. Ils se sont alors mis à jouer ces scènes, avec beaucoup d'authenticité. C'était troublant. On a suivi mais, en choisissant, après de longs débats, de ne pas montrer les mises à mort, mais de les suggérer. »

Une quête de vérité, non sans garde-fous psychologiques

La dimension intergénérationnelle comptait beaucoup pour Ella et Judith, qui ont entendu l'appel des villageois à voir ancrer cette histoire dans la mémoire collective, pour qu'elle ne soit pas reléguée au statut de légende populaire. Sur le terrain, Judith a pu constater :

« Les Cambodgiens sont vraiment en quête de justice et placent une grande confiance dans le tribunal [qui juge actuellement des responsables khmers rouges]. Et si certains sont encombrés de sentiments de haine à l'égard de leurs anciens bourreaux, ils ne sont pas habités par un désir de vengeance. »

L'impératif lors de ce tournage, qui s'est étalé sur plusieurs mois, était de ne pas venir perturber, voire rompre, l'équilibre dans ces villages à vouloir trop remuer le passé. Ou alors de veiller à le rétablir avant de ranger les caméras.

C'est pourquoi l'équipe a pris beaucoup de précautions, associant à ce projet des psychologues de TPO, une ONG. Ils ont ainsi expliqué aux villageois les symptômes qui pourraient chez eux se manifester, les réactions qui pourraient se produire. La hotline de TPO leur a également été communiquée, afin qu'ils puissent continuer de les consulter si besoin.

« Il faut aider à les gens à se confronter à leur passé »

Judith, spécialiste en psychologie clinique, se hérisse quand elle entend un cliché à la vie dure, selon lequel revivre un traumatisme le ravive. Il est, selon elle, important d'exhumer au contraire sa douleur, « de la sortir de la sphère privée du foyer » :

« Si vous savez bien doser entre le soulagement et le fardeau, il y a des chances que le premier l'emporte. La confrontation au traumatisme est un moyen de faire face à son passé et de trouver la voie de la guérison.

Une des protagonistes nous a confié à la fin du tournage revivre, pouvoir oublier et à nouveau se sentir heureuse car son esprit n'était plus autant hanté par ces histoires atroces ! Et on l'entend expliquer cela dans le film.

S'enfermer dans le silence et refouler les souvenirs douloureux est l'un des principaux symptômes du syndrome de stress post-traumatique ! Or il faut justement aider les gens à se confronter à leur passé et à se soulager. »

« Filmer, dessiner… et le faire en groupe offre un environnement sûr et une distance propice à aider les gens à libérer leur parole et à partager leurs histoires », insiste en écho la réalisatrice italienne.

Une sorte finalement de thérapie collective, « ou du moins les prémisses », corrigent les deux jeunes femmes, qui souhaiteraient pousser l'aventure encore plus loin.

Nou Va, co-réalisateur de "We Want (u) to Know" (John Vink)

En partenariat avec

Ka-set

Photos : des participants au documentaire « We Want (u) to Know », Judith Strasser, Ella Pugliese et Shanti Sattler, à l'origine du projet, Nou Va, co-réalisateur (John Vink).

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 15:03

Lire l'excellent ouvrage de David Chandler

S-21 ou le crime impuni des Khmers rouges aux éditions Autrement.
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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 11:19

François BIZOT

Le Portail

Editions de la Table Ronde

 

par Tang Loaec

Le temps, plus sûrement que l'instant, mûrit parfois les œuvres littéraires maîtresses. Ainsi, à contretemps de l'événement, les Editions de la Table Ronde et François Bizot ( l'érudit orientaliste et non pas son homonyme journaliste ), nous offrent le récit par ce dernier de ses heures cambodgiennes, tragiques, toutes empreintes de ses épreuves et de l'amour qu'il porte à cette terre. De Bizot, le préfacier du livre dira qu'il avait une seconde âme et qu'elle était khmère.

L'auteur et narrateur de ce récit personnel, reflet d'une tragédie collective, était allé vivre au Cambodge pour l'histoire de ce pays dont il connaissait merveilleusement bien les finesses de langue et de culture. Envoyé par la savante " Ecole Française d'Extrême Orient ", pour étudier et protéger les vestiges de la civilisation de ce pays, il y fut fait prisonnier par les Khmers Rouges puis interrogé par Douch, l'homme tenu pour responsable de la mort de plus de dix milles personnes dans des camps. De cet être jugé pour crime contre l'humanité, son prisonnier retient la nature paradoxale d'une aspiration à la pureté qui le mènera d'une volonté d'humanité à la plus profonde monstruosité.

Bizot fut encore, une fois relâché par un miracle auquel, jusqu'à la dernière seconde, il est difficile de croire, il est de nouveau prisonnier, mais à titre collectif cette fois comme toute la communauté étrangère, regroupée dans l'ambassade de France, lors de la prise de Pnom Penh par les Khmers Rouges en 1975. Il y a un rôle central, comme interprète de toutes les négociations avec les nouveaux dirigeants.
Un épisode non moins cruel, au cours duquel une cruauté différente résulte de l'abandon obligé, pas à pas, des alliés cambodgiens réfugiés d'abord dans les bâtiments diplomatiques. Un grignotage ronge les résistances françaises à mesure que l'absence d'aucun atout à négocier ne laisse d'autre issue qu'une capitulation tous les jours plus flagrante devant l'impossibilité de défendre les anciens alliés face aux nouveaux dirigeants.

Ce français épris du Cambodge avoue une amertume sans nom, un désespoir face à l'homme, devant la cruauté des idéaux. Avec une douceur constante, il raconte ce qu'il a vécu, sans jamais torturer le lecteur par le spectacle de l'horreur car jamais il ne cherche à choquer. Au contraire, avec la délicatesse de qui ne cherche qu'à rendre le drame plus supportable, sans pourtant l'excuser, il livre en une mélodie délicate, toute de détresse contenue, l'acide qui le ronge depuis trente ans car son regard sur l'homme n'a jamais pu s'en guérir. Dans une langue emprunte de finesse, il laisse sourdre les évènements d'une vie qu'il avait tournée toute entière vers l'étude et la beauté, pour se voir rattraper par une barbarie face à laquelle il reste interdit, tant il veut comprendre chaque homme qu'il rencontre sans pouvoir en comprendre la violence.

Pour le lecteur, à l'opposé de bien d'autres témoignages qui le prennent en otage, celui-ci détonne parce qu'habité de la douceur du sage. Merci à Bizot de son regard, il nous offre sous la forme la plus douce une expérience tragique qu'il lui a fallu trente ans pour décanter.
La longue incubation, bien après l'événement et sans chercher l'à propos médiatique, ne laisse subsister que le meilleur.

 

 

Souligné et en caractéres gras par JLA

Tang LOAËC
2004


 

                                                                                 

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10 avril 2009 5 10 /04 /avril /2009 10:55

Le Khmer Duch lors de son procès à Phnom Penh, le 1er avril 2009 (Chor Sokunthea/Reuters).

 

(De Phnom Penh) Alors qu'il était basé au Cambodge en tant que chercheur, François Bizot a passé en 1971 deux mois et demi aux mains des Khmers rouges, plus particulièrement dans un camp géré par Duch, dont le procès s'est ouvert le 30 mars . Appelé à témoigner mercredi, il s'est exprimé plutôt à décharge, revenant sur la dualité de Duch, entre le gentil révolutionnaire convaincu qu'il a connu et le grand criminel qu'il fut.

Cette épreuve a marqué la vie de cet ancien chercheur de l'Ecole française d'Extrême-Orient (Efeo), et, trente ans plus tard, il l'a consignée dans un livre, Le Portail, « une démarche littéraire qui s'appuie sur une reconstruction, un ressenti », souligne-t-il. En Août 2000, il témoignait sur France2. (Voir la vidéo)

Avant de se faire rappeler la règle selon laquelle le nom des témoins qui n'ont pas encore comparu ne peut être cité en audience, l'ancien directeur de S-21 avait les jours précédents évoqué à son procès le nom de Bizot en l'appelant « mon Bizot ». Il expliquait avoir dit à son supérieur, après que le Français avait été arrêté par les Khmers rouges, que celui-ci n'était pas un agent de la CIA comme on le lui reprochait mais un chercheur. Il avait fini par obtenir, au terme de trois mois, sa relaxe.

Une détention à l'issue incertaine

A la barre, François Bizot, 69 ans et résidant aujourd'hui en Thaïlande, revient sur son arrestation par une patrouille de miliciens le 10 octobre 1971, alors qu'il se rendait, avec deux collaborateurs cambodgiens, dans une pagode à Oudong, à trente kilomètres de Phnom Penh. Une excursion qui s'inscrivait dans le cadre de son travail sur les rituels bouddhistes cambodgiens.

Premier témoin à comparaître au procès de Duch, il raconte avoir eu droit à un « tribunal populaire », au cours duquel son interrogateur assène le connaître et l'avoir vu à Saïgon, assurant qu'il est au service de l'impérialisme américain. Il nie et invite cette cour improbable à le tuer immédiatement si elle pense qu'il est un espion, ce qui entraîne une salve d'applaudissements de la cinquantaine de villageois qui assistent à cette mise en accusation.

Le soir, depuis la maison où il est détenu, les pieds entravés à des poutres aux côtés d'autres prisonniers, des clameurs s'entendent disant « qu'attendez-vous pour le déshabiller ?  ». Il est détaché et emmené, les yeux bandés, vers une exécution qu'il croit certaine. Simulacre ou exécution avortée, il ne le sait toujours pas, mais rien ne se passera.

Le lendemain, il est transféré au centre de détention M-13, dirigé par Duch, où le rejoignent ses compagnons. Il y est accueilli par un responsable cynique et agressif avant de découvrir que le véritable maître des lieux est en fait Duch, un jeune homme doux.

Il subit alors des interrogatoires quotidiens, conduits par Duch lui-même, qui se déroulent « toujours de manière polie », « avec une certaine amabilité », et sans que jamais il soit battu. De Duch, il déclare qu'il avait la réputation d'être « un homme infatigable, parlant peu, et très investi dans ses responsabilités de chef de camp ».

Il obtiendra du responsable khmer rouge un stylo et un cahier, dans lequel, outre y coucher ses souvenirs et des poèmes, il développe un argumentaire persuasif pour démontrer qu'il est bien un chercheur. Un cahier dont il ne s'est pas séparé, qu'il n'a jamais relu et qu'il exhibe en audience.

Quand Duch lui annonce la nouvelle de sa libération imminente, François Bizot, aujourd'hui le crâne dégarni et portant chemise cravate, n'y croit pas.

« Il faut savoir, Monsieur le juge, que rien n'était dit. Le mensonge était l'oxygène que nous respirions et que nous expulsions de notre poitrine. Le mensonge était présent… Quand on conduisait quelqu'un à la mort, c'était nié jusqu'au dernier moment… »

La veille du grand jour, soit Noël, enfin libre de ses mouvements, il partage sa dernière soirée avec Duch autour d'un feu de bois.

La découverte d'un monstre avec des caractères humains et dérangeants

A deux occasions, le chercheur, rapporte-t-il, devine que des violences sont commises sur les prisonniers pour les faire parler. Il s'en ouvre à Duch en cette dernière soirée, lui demandant « qui frappe ».

« Duch n'a pas hésité à me répondre que cela lui arrivait de frapper les prisonniers quand ils mentaient ou que leurs dépositions étaient contradictoires, que le mensonge l'insupportait, que ce travail le faisait vomir mais c'est ce que l'Angkar [l'organisation derrière laquelle se cachait le parti communiste du Kampuchea] attendait de lui…

J'ai été effrayé. Et je pense que cet événement, qui fut pour moi fondamental, est à l'origine d'un long travail qui a eu lieu en moi. Je dois dire que jusque-là, je considérais que j'étais du bon côté de l'humanité et qu'il existait des monstres auxquels, Dieu merci, je ne pourrais jamais ressembler. Qu'il y avait une différence d'histoire, de sensibilité, qu'il s'agissait d'un état de nature… »

Ce soir de Noël, il se déssille. Il s'attendait à trouver un monstre en entendant une telle réponse mais découvre en face de lui un homme,

« un communiste-marxiste qui était prêt à donner sa vie s'il le fallait pour son pays et pour la révolution […] et que le but ultime de son engagement était le bien-être des habitants du Cambodge, une lutte contre l'injustice… »

Il poursuit sur un ton morne, soucieux des mots qu'il choisit :

« Cette fin qui justifie les moyens étant l'indépendance du Cambodge, son droit à l'autodétermination et la fin de la misère… Les Cambodgiens n'ont pas été les premiers dans l'histoire des hommes à tuer pour des rêves. »

Une rencontre avec Duch qui bouscule sa façon de penser

Quand Duch refait surface, retrouvé par des journalistes et arrêté par les autorités cambodgiennes peu après en 1999, François Bizot estime « bon de faire savoir qu'un tel danger n'était pas le fait d'un monstre à part mais provenait d'un homme qui ressemblait aux autres » :

« Et je me suis rendu compte qu'il fallait aussi distinguer ce que l'homme fait de ce qu'il est, et aussi qu'être coupable de ce qu'on fait ne doit pas intervenir sur ce que l'on est. Je crains avoir aussi compris que la situation dans laquelle il se trouvait ne lui permettait pas de faire marche arrière. »

« Ma rencontre avec Duch a marqué mon destin, et toute ma réflexion, tout ce que je suis aujourd'hui, pour une raison simple et tragique : je dois m'arranger moi-même avec ce qui est en moi par rapport à une donnée double, celle d'un homme qui a été le vecteur, le bras d'une tuerie étatisée - et je ne peux pas m'imaginer me mettre aujourd'hui à sa place avec en soi-même autant d'horreurs perpétrées - et d'autre part, le souvenir que j'ai d'un jeune homme qui a engagé sa vie, son existence, pour une cause et vers un objectif qui s'appuyait sur l'idée que le crime n'était pas seulement légitime mais méritoire.

Je ne sais pas quoi faire de cela, monsieur le juge. Mon existence m'a amené à côtoyer intimement l'un et l'autre et je ne peux pas me débarrasser de cette idée que ce qui a été perpétré par Duch aurait pu l'être par un autre et qu'en essayant de comprendre il ne s'agit pas un seul instant de minimiser la portée, la profondeur, l'abomination de son crime…

Et pour en mesurer l'abomination, ce n'était certainement pas en faisant de Duch un monstre à part mais en lui reconnaissant cette humanité qui est la sienne et qui n'a manifestement pas été un obstacle aux tueries qu'il a perpétrées. Et c'est cette prise de conscience des caractéristiques de l'ambiguïté de cette humanité qui cause mon drame aujourd'hui, monsieur le juge. »

Passe d'armes entre avocate des parties civiles et Duch

Plus tôt dans la journée, Duch avait été à nouveau interrogé par des avocats des parties civiles. Son avocat international, Me Roux, interpellera la cour afin qu'elle demande à Me Studzinsky « de s'adresser à l'accusé avec un peu plus de respect ». L'avocate allemande du groupe 2 des parties civiles malmène l'ancien directeur de S-21, et s'agace qu'il ne réponde pas à ses questions. « Vous comprenez ma question ?  »

Duch rétorque :

« Vous savez, je veux bien répondre mais peut-être que vous ne comprenez pas mes réponses !  »

Duch garde son calme et ne se départit pas de sa politesse cérémonieuse, s'excusant chaque fois que sa mémoire lui fait défaut.

« Vous n'avez pas compris la situation […] C'est ce que j'ai dit très clairement à la Chambre hier… »

Tenace, il ne cède pas : « Je vous ai déjà répondu… » Quand ce fut au tour d'un avocat cambodgien de lui poser des questions, Duch ne résiste pas à lâcher : « il est plus facile de se comprendre en khmer !  »

« Ne pas parler, ne pas savoir, ne pas voir, ne pas entendre »

Puis, il ressert le même leitmotiv que les jours précédents : il n'a pas tué de ses mains mais a donné les ordres, ce qui fait de lui néanmoins un responsable.

« Si je ne l'avais pas fait, quelqu'un d'autre l'aurait fait à ma place. »

Interrogé par son avocat français sur le goût du secret au sein du parti communiste, il cite un adage khmer rouge :

« Plus vous maintenez longtemps la confidentialité, plus vous vivez longtemps. »

Avant d'énumérer les quatre règles d'or qui prévalaient dans les rangs révolutionnaires : « ne pas parler, ne pas savoir, ne pas voir, ne pas entendre. » Il acquiesce à ce que dit Me Roux : oui, de haut en bas de l'échelle, tout le monde gardait le secret car chacun savait que s'il violait le secret, sa vie était aussitôt menacée.

L'ancien tortionnaire, quand son avocat lui rapporte qu'il était décrit comme un chef « autoritaire et dur », ne se défausse pas. Il reconnaît que sa « direction était empreinte d'autorité », qu'il ne parlait pas librement, comme ses supérieurs lui avaient appris à le faire, et qu'il opérait « en douceur mais aussi de manière stricte ».

Me Roux tente de démontrer que le système instauré par les Khmers rouges, dès avant leur prise du pouvoir, « fonctionnait sur le secret, l'obéissance absolue aux ordres des supérieurs et sur la déstructuration de la personnalité individuelle ». Il fallait obéir aux ordres du parti, c'était un devoir, explique l'accusé plus tard, quand « aujourd'hui, on voit tous ces actes comme des crimes » et ceux et celles étiquetés hier comme l'ennemi être aujourd'hui considérés comme des victimes.

Duch se souvient avoir fait échapper à une exécution certaine dix personnes, précisant dans la foulée ne pas considérer cet acte de « particulièrement valeureux ». « C'est une goutte d'eau dans l'océan des crimes que j'ai commis !  »

En partenariat avec :

Photo : le Khmer Duch lors de son procès à Phnom Penh, le 1er avril 2009 (Chor Sokunthea/Reuters).

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8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 15:16

Rapport de Mission Evaluation Dentaire au Cambodge du 14 décembre 2008 au 15 février 2009.

En ligne sur :
link
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20 mars 2009 5 20 /03 /mars /2009 15:56
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19 mars 2009 4 19 /03 /mars /2009 08:53
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