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2 mars 2011 3 02 /03 /mars /2011 19:38

Le régime Kadhafi ne se réduit pas à la seule personne du Colonel : quels sont les différents cercles de pouvoir que l'on peut repérer?

 A travers ces emboîtements de comités, d'instituts, d'allégeances personnelles ou tribales, Kadhafi tire une partie de son pouvoir de son rôle d'arbitre. Ceux qui tiennent le pays autour de Kadhafi sont déchirés entre eux. Depuis 2003, le conflit principal oppose conservateurs et libéraux. Ces derniers sont menés par le fils aîné de Kadhafi, Saïf el Islam, et son mentor, Choukri Ghanem, premier ministre jusqu'en 2006 et président de la National Oil Corporation.

 

Saïf el Islam, le chef de file des «libéraux».
Saïf el Islam, le chef de file des «libéraux».© (dr)
Saïf el Islam dirige la fondation Kadhafi, qui est censée s'occuper de développement et, ironiquement, de droits de l'Homme. Mais c'est surtout un ministère des Affaires Etrangères bis. C'est le fils aîné qu'on envoie pour négocier avec les chefs d'Etat étrangers, pour la libération des infirmières bulgares ou les suites de l'attentat de Lockerbie.

 

En face, ceux qu'on appelle les conservateurs sont principalement issus des anciens du coup d'Etat de 1969 - l'Institut du Livre Vert est leur bastion - mais on y trouve aussi un autre fils de Kadhafi, Mootassem, qui était, depuis janvier 2007, à la tête du Conseil de sécurité nationale, un poste stratégique en matière militaire, anti-terroriste et politique. Mais il est difficile de voir clair dans l'influence de ces deux camps.

D'une part, l'arbitrage de Kadhafi change vite. En septembre dernier, Mootassem a été placardisé, même s'il n'est pas impossible que, vu son ancien poste, il se trouve aujourd'hui derrière la répression, tandis que Saïf el Islam est revenu sur le devant de la scène après un moment de creux.

D'autre part, l'opposition entre les deux camps est davantage économique que politique. Saïf el Islam veut l'ouverture économique du régime, et la modernisation du pays n'est pensée que d'un point de vue économique. Le dernier rapport, début février, du FMI se félicite d'ailleurs du taux de croissance Libyen (10,3% en 2010) et des efforts de libéralisation et de privatisation engagés sous l'impulsion de Saïf el Islam. Ce qui est en jeu, ce sont les revenus du pétrole, et les conservateurs refusent qu'ils échappent aux cadres des comités révolutionnaires.

Cette crainte rencontre un écho dans le petit peuple, ou chez les jeunes massivement touchés par le chômage, qui ont beaucoup à perdre de cette libéralisation et de la fin du système socialisant, incluant distribution de nourriture ou attribution de logement.

La comparaison avec l'Egypte, où l'orientation libérale de Gamal Moubarak faisait beaucoup de mécontents parmi les pauvres, mais aussi parmi les bénéficiaires traditionnels de l'organisation économique du pays, notamment les généraux de l'armée, n'est pas absurde : un autocrate vieillissant qui attise les conflits entre élites quand se profile la succession, un fils qui mécontente les dignitaires traditionnels en attirant une nouvelle classe d'affaires, une inquiétude de ceux qui vivent des petites prestations sociales allouées par le régime...

Cette révolte libyenne est-elle, comme en Tunisie ou en Egypte, à la fois une demande démocratique et sociale ou le rôle des tribus perturbe-t-il cette lecture ?

On ne peut pas tout lire en termes de tribus, même si on ne comprend pas la Libye sans elles. Un quart des familles libyennes vivent sans revenus réguliers, le taux de chômage est très élevé parmi les jeunes et il est impossible de dire si les derniers trains de réformes menées par Saïf el Islam n'ont pas attisé la colère.

A l'origine, c'est donc une révolte générationnelle qui fonctionne de la même manière qu'en Tunisie ou en Egypte, avec une mobilisation et une organisation faisant largement appel aux réseaux sociaux. D'ailleurs, à Tripoli, où la dimension tribale est moins importante dans un contexte d'urbanisation importante, les foyers de contestation - là où la répression a été la plus violente - sont les périphéries remplies de jeunes urbains précarisés, déracinés, laissés pour compte de la rente pétrolière et à l'avenir bouché.

Mais, lorsque la colère a pris de l'ampleur, des tribus ont fait défection et, comme elles jouent depuis l'indépendance un rôle pivot dans le fonctionnement politique du pays, cela change tout. Là encore, les positionnements ne sont pas simples. D'une part, les chefs de tribus qui ont fait sécession dans l'Est espèrent, ainsi, garder la main sur leurs troupes et notamment les jeunes générations, tout en profitant de l'affaiblissement du pouvoir de Kadhafi qu'ils contestent, notamment dans l'Est, depuis longtemps.

D'autre part, Kadhafi a fait des appels du pied aux chefs des tribus sur le mode : « contrôlez vos jeunes et on va discuter ». Mais cela n'a pas marché. Des tribus importantes comme celle des Warfalah se sont donc rebellées contre Kadhafi, mais cela ne règle pas tout. Une fois l'enthousiasme retombé, les jeunes vont sans doute demander des comptes, y compris aux dignitaires qui ont accepté pendant des années, contre dividendes, le système Kadhafi 

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