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11 mars 2011 5 11 /03 /mars /2011 19:15

François Kalfon, spécialiste des sondages du PS et proche de M. Strauss-Kahn, estime que le directeur général du FMI est le mieux armé face à la montée de Marine Le Pen, notamment.

Il va publier le 29 mai "L'équation gagnante : la gauche peut-elle enfin remporter l'élection présidentielle ?", avec Laurent Baumel.

The price you pay : Le score du FN ne mesure-t-il pas tant la crédibilité ou l'à-propos du discours de Marine Le Pen que le total discrédit du reste de la classe politique ?

François Kalfon : D'abord, sur les raisons qui sous-tendent la montée du Front national, il est clair que l'on constate depuis six mois maintenant une montée des angoisses sociales dans le pays, qui correspondent à l'irruption d'une crise sociale après la crise économique. Celle-ci se traduit par une plus faible empathie de nos concitoyens, notamment vis-à-vis des exclus et des étrangers.

Marine Le Pen, en ayant recyclé une grande partie du discours altermondialiste, du discours protectionniste qui stigmatise la mondialisation, s'adresse à ces classes moyennes en décrochage qui sont rattrapées par la crise et affirment par leur proximité avec le FN leur angoisse et envoient à leur manière, contestable, un signal d'alarme à l'ensemble de la classe politique.

Romain : Les sondages plaçant Mme Le Pen en tête montrent un rapport de forces favorable à tout le spectre de la droite, alors que les dernières consultations électorales ont montré un rapport de force favorable à la gauche. Comment l'expliquer ?

François Kalfon : D'abord, si optiquement l'extrême droite fait partie de la droite – et elle est comptée dans le "total droite" –, la vérité est que son électorat est bien plus composite. Ainsi, ce n'est pas tant l'axe droite-gauche qui est pertinent, mais plutôt, par exemple, la place de l'électorat populaire, parfois aussi issu de la gauche, dans l'électorat du Front national. Particulièrement au cours des derniers six mois, au cours desquels, je vous le rappelle, la poussée du FN s'évalue à 10 points, en passant de 12 à 22 %.

Ensuite, la droite classique, elle, dévisse : jusqu'à l'été, Nicolas Sarkozy était compté à un niveau de 28 à 30 % d'intentions de vote au premier tour, il est plutôt aujourd'hui autour des 20 %. Donc on ne peut pas à proprement parler dire qu'il y a une augmentation du total droites dans ces conditions.

Je vous rappelle, par ailleurs, que dans toutes les enquêtes, Nicolas Sarkozy reste battu à des niveaux incroyables dans les projections de deuxième tour présidentiel, dans un rapport de force 60/40 %, au profit de DSK.

Ange : D'où viennent selon vous les électeurs du Front national ?

François Kalfon : L'électorat du Front national vient pour son socle d'une sociologie de droite dure. Cela fait vingt ans que ce socle est compris entre 8 et 15 %. Mais pour remonter plus loin dans l'histoire, tout le monde se souvient de l'affaire Dreyfus, des ligues des années 1930, et plus récemment, du mouvement poujadiste, sans parler du phénomène de la collaboration. Il y a donc, bien sûr, historiquement, une extrême droite en France.

Le phénomène plus récent, qui intervient notamment avec l'arrivée de Marine Le Pen, est cette volonté plus clairement affichée de capter cet électorat populaire issu de la gauche, en recyclant, par exemple, la thématique de la laïcité. Ceci est tout à fait nouveau pour l'extrême droite. Et il faut y ajouter l'utilisation, bien sûr, d'un discours clairement antilibéral.

Quand Marine Le Pen a été élue au conseil régional Nord–Pas-de-Calais, dans son discours d'investiture face à la majorité socialo-communiste, elle a indiqué, non sans provocation : "Je suis ici la seule représentante de la classe ouvrière."

Alex : Le PS ne confirme-t-il pas qu'il n'a plus aucune intentions de vote dans les milieux populaires ? Ces derniers ne se tournent-ils pas vers Marine Le Pen ?

François Kalfon : Je viens de répondre à l'instant sur la porosité d'une partie de l'électorat populaire qui, je vous le rappelle, avait déjà été tenté par Nicolas Sarkozy en 2007, séduit par le slogan du "travailler plus pour gagner plus". Cela étant dit, si vous prenez les dernières élections, c'est-à-dire les élections régionales, la gauche, et le PS en particulier, sont de nouveau majoritaires chez les ouvriers.

Ce qui frappe surtout, c'est désormais la formidable mobilité des électorats, de plus en plus stratèges, qui, en fonction de leurs réactions, de leurs perceptions, ou du message qu'ils souhaitent adresser à la classe politique, opèrent des choix électoraux comme des avertissements.

Plus récemment encore, on observe même des messages adressés aux dirigeants politiques à travers les intentions de vote déclarées dans les sondages. Il est évident que déclarer de façon décomplexée, à quatorze mois d'une présidentielle, qu'on a l'intention de voter pour le Front national a une dimension revendicative qui ne se réduit pas à l'intention de vote elle-même, mais qui est une manière de se saisir des outils d'aujourd'hui pour peser sur les choix des grands partis politiques. A nous de l'entendre, y compris à gauche.

Julien : Pourquoi l'électorat populaire se détourne-t-il du PS ? Le directeur du FMI est-il le meilleur candidat pour faire face à la montée du FN ? Que propose le PS pour récupérer les électeurs partis au FN ?

François Kalfon : D'abord, il faut que le PS entende des messages simples et qu'il ne se contente pas de présenter un programme "catalogue" totalement inaudible de ceux qui sont en attente de nos propositions.

Le PS doit d'abord clairement faire le choix de la société du travail. En 2007, Nicolas Sarkozy avait, dans une forme de provocation, repris à son compte le terme de "travailleur", alors que la gauche socialiste semblait s'en détourner. Il avait lancé ce slogan du "travailler plus pour gagner plus", qui s'adressait particulièrement aux salariés modestes, qui subissaient les effets de la modération salariale. Or il a fait tout le contraire. Il a récupéré le vote des travailleurs, et en réalité, il a fait une politique pour les rentiers.

En 2012, le Parti socialiste doit clairement s'adresser aux salariés, en particulier aux plus modestes, dont toutes les études nous montrent qu'ils décrochent, qu'ils sont angoissés pour leur avenir, qu'ils ont peur du chômage de masse. Cela passe par une politique de redistribution massive – par la fiscalité – et par une politique de solidarité nationale, qui s'adresse autant aux salariés en emploi qu'à ceux qui en sont exclus. Car disons-le sans tabou : ces fameux salariés modestes qui peuvent être tentés par l'extrême droite nous disent en permanence qu'ils pensent que les socialistes en font plus pour les exclus que pour eux-mêmes.

Il faut entendre ce message en revalorisant le travail. Cela passe bien sûr aussi par une meilleure répartition de la valeur ajoutée au sein des entreprises. Moins pour les dirigeants, moins pour les actionnaires, et plus pour les salariés.

Et concernant DSK ?

François Kalfon : Dominique Strauss-Kahn est, je crois, très adapté aux demandes actuelles vis-à-vis de la gauche, en ce sens qu'il articule la fidélité à son camp avec les compétences et la reconnaissance de la réalité telle qu'elle est. Car les Français ne sont pas stupides, ils n'attendent pas qu'on leur promette ce qu'on ne saura pas tenir, ils attendent au contraire qu'on prenne le monde tel qu'il est pour pouvoir proposer des réformes effectives qui changent concrètement leurs conditions d'existence.

Typiquement, une réforme fiscale d'ampleur qui supprimerait le bouclier fiscal et qui permettrait une redistribution massive de pouvoir d'achat à ces fameux salariés modestes offrirait rapidement une solution sonnante et trébuchante. Bien plus qu'un slogan consistant, par exemple, à interdire les licenciements, dont tout le monde sait bien que cela est peut-être souhaitable, mais que ce n'est pas possible.

Alex : Ségolène Royal semble faire un score un peu moins mauvais dans les classes populaires que DSK ou Aubry... Qu'en tirez-vous comme conclusion ?

François Kalfon : Vous avez là une lecture extrêmement experte des études que je n'ai pas. Je constate simplement qu'il y a parmi les socialistes des talents qui nous mettent à l'abri d'un risque d'un nouveau 21-avril. D'autres, au contraire, ne rencontrent pas suffisamment l'électorat pour nous donner la garantie de nous qualifier au second tour.

Pour ma part, je m'en tiens là, et je préfère dire que le PS compte de nombreux talents. Dès lors qu'ils savent mettre leurs qualités au service de l'intérêt général plutôt qu'au service de la promotion de leur propre ego, ce qui est malheureusement un sport national dans ma formation politique.

Chacun doit réfléchir à sa meilleure place dans le dispositif gagnant. Nous n'avons pas besoin d'un parti où nous aurions autant de candidats que d'adhérents.

JJ : Comment jugez-vous l'ordre d'arrivée des candidats à la primaire PS dans le sondage IFOP 1er tour publié jeudi ? DSK 29 %, Aubry, Hollande 24-23 %, Royal 19 %. Et celui du sondage Harris interactive précédent ?

François Kalfon : Commençons par le sondage Harris Interactive. Il y a des questions qui se posent sur le plan méthodologique par rapport à cette étude. Le fait que Marine Le Pen arrive en tête face à l'ensemble des candidats issus des grands partis politiques me semble relever plus du coup médiatique aux implications sociales fâcheuses multiples, malheureusement, que de la rigueur d'une enquête d'opinion telle qu'elle aurait dû le rester. En ce qui concerne l'enquête IFOP parue dans France Soir jeudi dernier, elle est disponible en ligne, comme les précédentes.

Vous me parlez de l'ordre d'arrivée des différents candidats socialistes et il est pratiquement inchangé depuis maintenant un an. Mais ce qui a changé, c'est la proximité du score d'une majorité des candidats socialistes avec celui de Marine Le Pen : entre 1 et 2 points seulement, ce qui, de l'aveu du sondeur, Frédéric Dabi, de l'IFOP, constitue la marge d'erreur.

Une exception notable toutefois : le score réalisé par DSK qui mettrait la gauche à l'abri d'un risque de nouveau 21-avril, avec 8 points d'avance sur Marine Le Pen et 5 sur Nicolas Sarkozy. Pourquoi cela ? Cela tient à l'"assise" large qui permet à Dominique Strauss-Kahn de mobiliser tout l'électorat de gauche potentiel et d'aller chercher dès le premier tour un électorat du centre, et même de la droite.

Wakami : Pourtant, DSK n'apparaît pas plus populaire que d'autres candidats du PS chez les classes populaires : pourquoi ce paradoxe qu'il semble mieux placé que les autres candidats de la primaire ?

François Kalfon : C'est une très bonne question. En effet, spontanément, quand on demande aux électeurs de la gauche traditionnelle ou aux classes populaires quelle est la personnalité qu'ils préfèrent, DSK n'est pas toujours premier. Et pourtant, dès qu'on parle d'intentions de vote, il reprend sa position de leader, y compris dans ces catégories.

Naturellement, ce décalage m'a interpellé. Nous avons donc fait des études, notamment qualitatives, c'est-à-dire que nous avons interrogé directement ces électeurs sur ce paradoxe. Ils nous disent tout simplement : "Bien sûr, DSK n'est pas ma 'tasse de thé'." Certains préfèrent tel ou tel leader de l'extrême gauche ou tel ou tel dirigeant du PS ayant un profil plus traditionnel, comme par exemple Martine Aubry. "Mais nous, ce que nous voulons dans cette présidentielle, c'est gagner", disent-ils aussi. Certains disent : "On veut 'sortir le nain', on ne veut pas d'une quatrième défaite qui serait fatale à la gauche." En quelque sorte, ils se servent du vote DSK pour garantir cette victoire qu'ils appellent de leurs vœux.

Et puis cela cache autre chose : tout Français a un cerveau gauche, émotif, et un cerveau droit, gestionnaire. On l'a vu pendant l'affaire des retraites. Jamais le pays n'avait à ce point soutenu un mouvement de contestation : 5 points de plus que pendant le mouvement de 1995. Et pourtant, tout au long du mouvement, la nécessité d'une réforme pour sauver la retraite par répartition a toujours recueilli plus de 80 % d'adhésions.

La sortie de DSK sur le fait que l'âge légal n'était pas un tabou s'est traduite, dans la foulée, pour lui, par davantage de soutien dans l'opinion, et notamment chez les électeurs de gauche. Car au fond, si personne ne souhaite travailler plus longtemps, la plupart des gens en voient la nécessité. Ils demandent juste que cela se fasse dans la justice sociale. Et ce qu'ils apprécient particulièrement chez DSK, c'est qu'il ne leur raconte pas d'histoires. Des socialistes qui promettraient la lune sont soupçonnés de ne pas tenir ces promesses s'ils étaient de nouveau en responsabilité.

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