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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 07:26
La part d'ombre de la mondialisation

Qui sait, par exemple, qu’un minuscule archipel caraïbe, les îles Caïmans, est aujourd’hui le quatrième centre financier mondial ? Notre confrère Christian Chavagneux, d’Alternatives économiques, lance cette question en ouverture de son précis très pédagogique sur Les Paradis fiscaux (avec Ronen Palan, coll. Repères, La Découverte). Depuis, la campagne électorale américaine a fait sortir ces îles de l’ombre discrète qui les abritait, avec une cascade de révélations sur la fortune qu’y a amassée et cachée le candidat républicain Mitt Romney (lire l’enquête de Nicholas Shaxson dansVanity Fair et celle de Sylvain Cypel dans Le Monde). Du coup, dans un esprit très rooseveltien, les activistes démocrates ont imaginé en vidéo une savoureuse charge contre l’évasion fiscale, dont la Suisse ne sort pas indemne :

Les paradis fiscaux, explique Chavagneux, c’est « la part d’ombre de la mondialisation » : « Ils en nourrissent l’opacité, l’instabilité – ils ont été l’un des acteurs de la grande crise financière de la fin de la première décennie 2000 – et l’inégalité en servant d’abord les plus puissants de ses acteurs. » Mais, au fur et à mesure que s’étend et s’approfondit la crise, l’ombre gagne sur la lumière.

Cet été, Tax Justice Network a démontré que les évaluations officielles des organismes internationaux sous-estiment le poids des paradis fiscaux. Selon ce réseau indépendant pour la justice fiscale, les actifs financiers qui y sont cachés ne seraient pas autour de 17 000 milliards d’euros, chiffre déjà incommensurable, mais de 25 500 milliards de dollars, soit plus que l’addition des PIB des États-Unis et du Japon !

Et encore ne sont comptés là que les actifs financiers, sans prendre en compte tous les autres actifs dissimulés via les paradis fiscaux, investis dans la réalité matérielle, de l’immobilier aux yachts, des écuries de course aux œuvres d’art, etc. (lire l’article précurseur de Martine Orange, Le prix exorbitant des paradis fiscaux). L’erreur de perspective serait de croire qu’il ne s’agit là que d’actes individuels, ceux de particuliers violant les lois de leurs nations pour mieux s’enrichir. La vérité, c’est qu’il s’agit du système tout entier, des grandes entreprises aux grandes banques qui, toutes, ont organisé leur prospérité sur l’illégalisme des places off shore.

Ainsi les établissements bancaires qui ont bénéficié, sans contrepartie véritable, du secours de l’argent public depuis 2008 ont tous continué à prospérer dans les paradis fiscaux. Un récent rapport de CCFD-Terre Solidaire a révélé que la présence des banques françaises dans les paradis fiscaux a augmenté malgré, ou plutôt grâce à la crise (lire notre article avec le texte du rapport). Sur sept banques étudiées, on compte 547 filiales dans les paradis fiscaux, soit près de 21 % du total de leurs filiales. Les banques françaises, notamment BNP-Paribas, Crédit agricole et Société générale, comptent ainsi 24 filiales dans les Caïmans, 12 dans les Bermudes, 19 en Suisse, 29 à Hong Kong et 99 au Luxembourg !

Mais il n’y a pas que les banques : comme le démontrent Chavagneux et Palan, « les grandes entreprises gèrent désormais leur trésorerie et leurs politiques de financement par l’intermédiaire de filiales situées dans les paradis fiscaux qui centralisent les transactions de prêts, d’emprunts, de répartition mondiale des bénéfices, etc., pour l’ensemble du groupe ». C’est ainsi qu’on aboutit à ce paradoxe qu’en 2008, par exemple, le premier investisseur étranger en France n’est autre que… la France, les multinationales françaises investissant dans leur propre pays via leurs filiales non résidentes situées dans les paradis fiscaux, et ce à un niveau plus important que les investissements des multinationales étrangères en France !

Derrière ces chiffres et ces pratiques, il y a tout simplement le vol d’une grande part de la richesse nationale qui, détournée et cachée, n’est pas redistribuée pour le bien commun. Dans sa récente enquête sur l’évasion fiscale en France, qui a provoqué l’ouverture d’une information judiciaire le 5 avril visant la banque suisse UBS, laquelle bénéficia longtemps de hautes protections, notre confrère Antoine Peillon (ici son blog sur Mediapart) affirme, sans être démenti ni contredit, que « les avoirs dissimulés au fisc français sont presque de l’ordre de toute la recette fiscale annuelle du pays » et que l’évasion fiscale, individus et entreprises confondus, « s’élève au minimum à 590 milliards d’euros, dont 108 milliards rien qu’en Suisse ».

 

A suivre

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