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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 13:01

2013-carte-liberte-pressebd.jpg

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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 10:47

L’affaire Cahuzac ne fait que commencer. Nous verrons en temps voulu ce qu’il en était de la culpabilité ou non de l’ancien ministre. Mais la 1ère partie de cette histoire a eu le mérite de nous rappeler quelques règles de base du travail de journaliste. Voici 8 leçons élémentaires offertes par d'éminents spécialistes…

* Règle n° 1 : Un bon journaliste ne doit pas hésiter à sortir les griffes pour arracher une information.

Il faut savoir poser les bonnes questions et se montrer sans pitié, surtout si l’interlocuteur est fuyant et qu’il renâcle à lâcher le morceau. Ne pas hésiter à le pousser dans ses derniers retranchements, l’acculer de questions, le mettre dans les cordes… La vérité est à ce prix.  

=> Illustration sonore en compagnie de Pascale Clark (France Inter) le 13 décembre 2012 : http://www.franceinter.fr/emission-l-invite-de-7h50-5-minutes-avec-edwy-plenel 

* Règle n° 2 : Tout journaliste qui se respecte ne perd jamais de vue « son » affaire.

Ne jamais abandonner sa quête de vérité. Si celle-ci est noyée dans le flux d’informations, ne pas hésiter à battre le rappel régulièrement. Alerter, toujours et sans cesse. Pour le bon journaliste, la vérité doit être une obsession !

=> Illustration de cette règle de base par Jean Michel Aphatie (Canal +, RTL…) sur son compte Twitter : 

11 Dec : Il y a une semaine, #Médiapart révélait le compte suisse de #Cahuzac et oubliait de livrer les preuves qui vont avec

21 Dec : Ma demande au Père #Noël: les preuves du compte suisse de #Cahuzac que #Médiapart a soigneusement cachées #journalismefarceur

28 Dec : Rien dans la presse du jour sur l'#Affaire #Cahuzac. Mais qu'est-ce qu'ils foutent les journalistes? Tous assis? Comme moi? #Damned

31 Dec : 2012: année du progrès.Après le #journalisme d'investigation, nous avons eu le journalisme d'accusation. Pour les preuves, rdv en 2013?

6 Jan : #Médiapart parviendra-t-il à cacher les #preuves du compte suisso-singapourien durant toute l'année 2013? Vu leur talent, c'est possible

4 Feb : Deux mois pile après l'enquête de #Mediapart nous ne savons toujours pas si #Cahuzac a eu ou pas un compte en Suisse. Ah la belle enquête...

4 Mar : Trois mois après l'enquête de Mediapart, nous ne savons toujours pas si #Cahuzac a eu un compte en Suisse. C'est dire si l'enquête est bonne

Règle n° 3 : Un bon journaliste doit savoir anticiper les révélations.

Le journalisme du XXI° siècle est une affaire de vitesse… Dans cette course contre la montre, le meilleur est celui qui a l’info le premier et qui saura devancer ses confrères. D’où l’importance de savoir anticiper et, parfois même, prédire l'avenir…

=> Illustration avec Bruno Roger Petit (LCI, Europe 1, Le Nouvel Observateur) le 11 février dernier :

«  (…) En l'état actuel du dossier connu, Edwy Plenel et Mediapart ne disposent pas des armes nécessaires à l'accomplissement de la tâche qu'ils s'étaient assignés il y a deux mois : contraindre Jérôme Cahuzac à la démission. (...) Sauf événement imprévu, donc improbable, c'est bien ainsi que se dessine l'avenir. Edwy Plenel aura beau proclamer la patrie en danger, la démocratie malade du sarkozysme même sous Hollande, hurler au complot ourdi par des gens ni nommés, ni montrés, la réalité s'impose : en son état rendu public, le dossier de Mediapart est insuffisant pour qu'il puisse infliger à Cahuzac un destin de démissionnaire honni (...) Les faits sont têtus. C'est bien joli de vouloir porter la plume dans la plaie, encore faut-il que la plume ne pèse pas que son poids..." 

* Règle n° 4 : Un bon journaliste doit savoir reconnaître une source fiable.

Il faut savoir choisir ses sources avec clairvoyance. Et recouper ses informations, cela va sans dire…

Journal du Dimanche, février 2013Journal du Dimanche, février 2013

* Règle n°5 : Le bon journaliste doit aussi savoir manier l’humour.

Transmettre l’information est un art. Quand le sujet est grave et compliqué, il est parfois conseillé de savoir manier l’humour, l’ironie...

=> Illustration avec l'inégalable Aphatie, toujours sur son compte Twitter : 

16 Dec : Qu'apprends-je? #Depardieu aurait un compte en #Belgique? Oh, ils sont trop forts à #Mediapart...

27 Dec : L'existence de #Dieu? Pas de preuves. Le compte suisse de #Cahuzac? Pas de preuves. Réfléchissons aux grands mystères de notre vie.

Règle n° 6 : Tout bon journaliste doit prendre le temps de la relecture.

Avant de publier, il est bien entendu indispensable de se relire afin d’éviter les fautes de syntaxes qui seraient du plus mauvais effet et risqueraient de gâcher votre scoop…

=> Illustration de cette règle par le journal Le Point : http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=15087

* Règle n° 7 : Le bon journaliste travaille en équipe.

Ne jamais travailler seul ! La quête de la vérité est un combat qui sera rendu plus aisé si vous pouvez compter sur le soutien d’un collègue dans les moments difficiles…

=> Illustration en images en compagnie de Michel Denisot et Jean Michel Aphatie (Canal +) : 

 

Règle n° 8 : Le bon journaliste ne confond pas une rumeur et une information

L’information à l’heure des nouvelles technologies nécessite une méfiance de tous les instants vis-à-vis des rumeurs. Il va de soi que le bon journaliste ne doit pas se laisser abuser par des pseudo-informations issues d’obscures sites Internet…

=> Illustration avec Hervé Gattegno (RMC et Le Point) : 

"Jusqu'ici, on a vu au moins autant d'insinuation que d'investigation. L'accusation n'est fondée que sur ce fameux enregistrement troublant, bizarre, dont on sait qu'il vient d'un opposant politique local de Jérôme Cahuzac (qui a pourtant d'abord juré le contraire... et qui l'a gardé dix ans chez un notaire !). Rien de tout cela n'est glorieux. Pour tout dire, il s'en dégage même un certain malaise" 

          Futurs journalistes, ne dérogez jamais à ces principes ! Soyez certains alors que vous ne passerez plus à côté des informations d'utilité publique. Et que vous incarnerez l'honneur de votre profession...

 

Sources : Mediapart

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5 décembre 2012 3 05 /12 /décembre /2012 19:01

Sources : Mediapart

 

Lire aussi

Faire avancer, encore et toujours, la transparence, la lutte contre la corruption et la cause de « l’éthique publique ». La branche française de l’ONG Transparency International publie aujourd’hui la version 2012 de son « Indice de perception de la corruption » (IPC), et pointe le « retard français » en la matière.

Le rapport, établi chaque année, évalue « les niveaux de corruption affectant les administrations et la classe politique de 174 pays », tels que les perçoivent, pour chaque pays, les acteurs de la vie économique et les responsables de grandes organisations internationales. Pas de sondage « exclusif » ou d’analyse commandée à un expert, l’association compile une grosse quinzaine d’études internationales sur la question, publiées dans les derniers 24 mois. Et le classement est peu tendre avec l’Hexagone, le reléguant au 22e rang mondial, et au 9e rang européen « des États perçus comme les moins corrompus ». Il y a un tout petit peu de mieux : les deux années précédentes, la France était classée 25e. « La France se situe dans un entre-deux dont ne peut pas se satisfaire une des plus anciennes démocraties », a déploré Daniel Lebègue, président de Transparency France, lors de la conférence de presse de présentation du rapport.

Mais qu’est-ce que la corruption ? L’ONG en a adopté une définition très large, puisqu’elle recouvre selon elle tout « détournement à des fins privées d’un pouvoir reçu en délégation ». Un concept qui permet à Transparency de regrouper bien des cas d’atteinte à l’intégrité de la vie publique… dont la plupart ont été traités, et dénoncés, par Mediapart au fil des ans.

Les exemples cités par l’association sont légion. Elle liste notamment les élus ayant versé dans l’abus de bien social, comme l’ex-maire de Tignes condamné en mars pour avoir rendu constructible, puis revendu, un terrain lui appartenant, multipliant le prix du terrain par 15 ; ou l’ancien édile de Montévrain (Seine-et-Marne) qui utilisait la carte bleue de la société d’économie mixte de sa commune ; ou encore le président de la chambre de commerce et d’industrie de Guyane condamné pour avoir attribué un contrat de communication à une société appartenant à sa compagne...

Mais l’ONG pointe aussi les dérapages des policiers de la BAC nord de Marseille, mis en examen pour avoir volé et extorqué drogue et argent à des dealers (lire notre dernier article à ce sujet), les soupçons autour des paris truqués lors du match de handball Cesson-Montpellier, tout autant que la condamnation pour corruption d’agents publics étrangers du groupe Safran en septembre. L’entreprise avait versé 380 000 euros de pots-de-vin pour obtenir un contrat de fabrication de cartes d’identité au Nigeria (nous annoncions ici la mise en examen du groupe).

D’autres pratiques, pas forcément illégales mais qui « minent également la confiance des citoyens dans leurs élus et leurs institutions », sont pointées du doigt : conflit d’intérêts dans l’affaire des sondages de l’Élysée (lire ici notre article le plus récent sur ce dossier que Mediapart a contribué à dévoiler) ou les activités parallèles de certains parlementaires, tel Jean-François Copé, devenus avocats d’affaires pour mieux monnayer leur carnet d’adresses... « Comment peut-on dans le même temps produire la règle de loi, voter la loi, veiller à sa bonne application, et conseiller des personnes ou des institutions sur la façon de respecter, à tout le moins, cette loi ? » interroge Lebègue, qui voit dans ces conflits d'intérêts multiples « le cœur du problème » dans la perte de crédibilité de l'action publique.

Pourquoi mettre dans le même sac tous ces dossiers, qui n’ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres ? Quoi de commun entre les malversations personnelles d’un maire et les paris supposément truqués de joueurs de hand ? L'association répond qu'elle s'appuie sur ce que les citoyens perçoivent comme de la corruption, même si des cas ne correspondent pas au sens strict du terme.

Comme le constatait Transparency dans son rapport sur le « Système national d’intégrité », commandé par le Conseil de l’Europe et publié il y a un an, la classe politique, exécutif et Parlement en premier lieu, « constitue le maillon faible du système d’intégrité français ». Mais l’ONG ne fustige pas que les élus. Elle estime que la France obtient un classement médiocre également parce que ses citoyens, « parfois complaisants à l’égard du favoritisme et de diverses formes d’arrangements, nourrissent un rapport ambigu à l’égard de la corruption ».

Cette ambivalence permettrait notamment aux dirigeants politiques de multiplier les effets d’annonce, sans forcément les appliquer. Ainsi du non-respect de l’obligation de déclaration de patrimoine pour les élus, de l’insuffisance du dispositif d’encadrement du lobbying au Parlement, ou de l’éclosion des « partis de poche », destinés à contourner la loi sur le financement politique (sujet également exploré par notre journal). Sans parler du rapport d’octobre 2012 de l’OCDE, qui s’étonnait du petit nombre de poursuites engagées en France contre les entreprises versant des pots-de-vin pour obtenir des contrats à l’étranger (notre article ici). La France serait très bonne dans les effets d'annonces et les signatures de grands textes, mais beaucoup moins pour les appliquer. « Le pays n'a pas une grande tradition de lutte contre la corruption, mais il a des bouffées », a cruellement résumé, lors d'un débat qui a suivi la conférence de presse, Alain Pichon, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, qui fut le rapporteur voilà vingt ans d'une commission sur les moyens de lutte contre la corruption, lancée après le discours de politique générale de Pierre Bérégovoy. Bérégovoy qui fut le dernier responsable politique français à faire de la lutte contre la corruption une priorité.

Des paradis fiscaux moins corrompus que la France ?

Pour faire évoluer les mentalités, Transparency International appelle les dirigeants français à s’appuyer sur les recommandations de la commission Jospin, qui a rendu son rapport sur la modernisation de la vie publique il y a un mois (lire ici notre compte-rendu). Ce rapport plaide pourtant pour des réformes minimales, et avait soulevé la réticence de certains membres de la commission, comme le constitutionnaliste Dominique Rousseau. Renforcer le non-cumul des mandats, publier des déclarations d’intérêts pour tous les élus et leurs collaborateurs, mettre en place un dispositif de lanceur d’« alerte éthique » protégé dans les entreprises et le service public... Voilà quelques-unes de recommandations de l’ONG, qui sont aussi énumérées dans le rapport de la commission Jospin. L’association préconise aussi de rendre enfin le Parquet indépendant de sa tutelle politique, de renforcer les règles d’inéligibilité des élus condamnés pour corruption, et de faire du Parlement « une maison de verre », en publiant notamment les comptes des deux assemblées.

L'association lance une campagne pour appeler le gouvernement à attribuer à la lutte contre la corruption le label de “Grande cause nationale”, afin de mieux sensibiliser la population et les acteurs politiques à la question. Outre une pétition, un clip est destiné à mobiliser les internautes.

 

 

Le classement de la corruption "perçue" en EuropeLe classement de la corruption "perçue" en Europe© Transparency International France

Les indignations de Transparency sont bien sûr fondées, et il est utile de les relayer. Tout comme ses propositions, qui vont dans le sens de l’établissement d’une démocratie digne de ce nom. Reste tout de même une question à la lecture du classement. On note que, parmi les pays européens, le Luxembourg, la Belgique, et le Royaume-Uni sont tous mieux notés que la France. Or, ces trois pays sont, à des degrés divers, des experts dans l’art de la dissimulation fiscale, ne lésinant pas sur les moyens pour attirer les riches contribuables ou les entreprises florissantes. Quitte à léser les pays voisins en les privant de recettes fiscales. Dans ce cadre, est-il pertinent de se focaliser sur leur meilleure résistance à la corruption ? Même question lorsqu'on lit le classement international : Singapour arrive en 5e place et les Barbades, l'Uruguay et les Bahamas sont tous mieux placés que la France ! Tous sont des paradis fiscaux, trous noirs de la finance internationale. Autre territoire connu pour servir de plateforme de lessivage des business douteux, Hong Kong se classe en 14e position... « Il est vrai que notre enquête ne couvre pas toutes les formes de la lutte anticorruption », reconnaît Lebègue. « La question précise qui est posée dans les études que nous utilisons porte sur la perception du niveau de corruption de la classe politique et de l'administration, à l'intérieur de chaque pays », précise Julien Coll, délégué général de l'association.

Lors du débat, l'avocat William Bourdon, président de l'ONG Sherpa (en pointe dans la lutte contre la corruption en Afrique notamment), a tout de même jugé que le classement pointait « un paradoxe » à élucider. Avant d'appeler le gouvernement à avancer sur le sujet de la lutte contre la corruption, « qui ne coûte pas cher et est très rentable sur le plan politique ». Première étape, urgente, selon les intervenants et les représentants de Transparency, unanimes : établir enfin l'indépendance de la justice, en réformant le statut du Parquet. Le gouvernement a la main.

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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 09:45

 

Mediapart a cinq ans ce 2 décembre. C'est l'occasion de remercier nos 60.000 abonnés. Et d'expliquer pourquoi, dans ce moment historique de la crise des médias et de la société, il est vital de soutenir une presse indépendante qui, par des articles brisant les conformismes et les complicités, veut renouveler les termes du débat public.

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27 octobre 2012 6 27 /10 /octobre /2012 19:45

 

Le Monde Diplomatique : Par Alain Gresh

Le Figaro (24 octobre) nous l’apprend : « L’image de l’islam se dégrade fortement en France »

« "Notre sondage, explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop, démontre une évolution qui va dans le sens d’un durcissement supplémentaire des Français vis-à-vis de cette religion et d’une perception négative renforcée de l’islam. Même si une proportion non négligeable de Français, 40 %, continue à se dire indifférente à la question de la présence de l’islam en France." »

« Ce qui explique, à ses yeux, un tel durcissement — 43 % des sondés considèrent l’islam comme une "menace" — est lié à une "visibilité" fortement accrue de l’islam sur la scène publique et médiatique. "Ces dernières années, il n’est pas une semaine sans que l’islam, pour des questions sociétales, voile, nourriture halal, ou pour une actualité dramatique, attentats, ou géopolitique, n’ait été au cœur de l’actualité." D’où cette autre impression : 60 % pensent que cette religion a désormais "trop d’importance". Ils étaient 55 % il y a seulement deux ans. Ceux qui se disaient indifférents à cette question passent de 41 à 35 %. »

Il n’est pas une semaine sans... La vraie question est là : qu’est-ce qui fait que, en France, avec ses millions de chômeurs, son école et son système de santé en péril, sa crise économique sans précédent, l’islam occupe une telle place « au cœur de l’actualité » ? Et pourquoi jette-t-on sans arrêt de l’huile sur le feu ?

Déjà, en octobre 2006, dans un envoi sur ce blog consacré à l’affaire Redeker et intitulé « Peut-on encore critiquer l’islam ? », j’écrivais :

« Car la vraie question est là. Pourquoi certains journalistes, certains éditeurs, certains intellectuels se plaisent-ils à jeter de l’huile sur le feu ? Pourquoi l’incompétence est-elle une clef pour pouvoir publier des pamphlets approximatifs, non étayés, schématiques ? Les exemples sont multiples de ces nouveaux spécialistes de l’islam intronisés par les médias. On pourrait citer, parmi d’autres, Caroline Fourest ou Mohamed Sifaoui, dont les travaux d’"enquête" sont à la vérité, pour reprendre une formule du chanteur Renaud, "ce que le diable est au bon dieu". Il suffit de se promener dans n’importe quelle librairie pour mesurer le nombre de livres consacrés aux musulmans ou à l’islam. La grande majorité sont très critiques (ce qui est parfois tout à fait légitime, quand cette critique s’appuie sur un vrai savoir). »

« Le débat autour de l’islam est-il impossible ? inutile ? nuisible ? Sûrement pas. De nombreuses questions se posent sur l’islam, le monde dit musulman, à condition de toujours utiliser le "pluriel" : les musulmans sont au nombre de plus de 1 milliard, ils sont majoritaires dans une soixantaine de pays de plusieurs continents : ils vivent sous des dictatures, des régimes autoritaires, des démocraties ; ils pratiquent leur foi de manière différente et les musulmans ne se réduisent sûrement pas à une foi dont les interprétations sont multiples. » (lire « Musulmans du monde »)

Depuis, les choses ont encore empiré. Au fil de ce blog, en six ans et quelque, on peut constater à quel point cette lancinante « menace musulmane » revient hanter politiques et médias. A tel point que, durant la campagne présidentielle, j’ai pu écrire, « la chasse aux musulmans est ouverte ». Et la campagne de Jean-François Copé, avec son pain au chocolat et ses fantasmes de racisme anti-Blancs, n’est que le dernier signe de cette dérive.

Un aspect peu souligné du sondage — bien qu’il ne dise rien sur les affiliations politiques des personnes — est le fait que l’ampleur de l’hostilité à l’islam indique qu’elle est partagée par l’électorat de gauche. Et il faut insister sur la faillite de la gauche, qu’elle soit modérée ou radicale, à organiser une résistance face à cette islamophobie. C’est d’ailleurs tout l’avantage de l’islamophobie : on ne peut pas être de gauche et raciste, mais on peut très bien être de gauche et islamophobe (que ce soit au nom d’une conception dévoyée de la laïcité, ou d’un universalisme républicain qui sert à masquer les discriminations).

Pour une excellente déconstruction du sondage du Figaro, on lira le texte de Pierre Tévanian, « Pour 100 % des musulmans, les sondages sont plutôt une menace » (Les mots sont importants, 25 octobre 2012), qui écrit notamment : « Il ne s’agit pas non plus de faire des sondeurs les seuls "engraineurs", ni même les principaux. L’effet performatif de la question de la menace n’atteint ici sa pleine efficience que parce que ladite question advient dans un contexte particulier, beaucoup moins anodin que la tombée du jour ou une coupure de courant, et beaucoup plus anxiogène : elle ponctue un flot quotidien et ininterrompu d’invectives politiques, de tribunes injurieuses, d’éditoriaux alarmistes et de faits divers dramatisés qui ont, depuis le 11 septembre 2001, et plus encore ces derniers mois, fait de l’Islam la figure par excellence de la menace. Moyennant quoi les sondés savent inconsciemment, lorsque la question leur est enfin posée, quelle est la bonne réponse — celle qu’il convient d’apporter pour donner à son interlocuteur, aussi bien qu’à soi-même, l’image d’un citoyen responsable, informé, lucide, bref : "averti". »

Il est trop facile de dénoncer la seule extrême droite ou la droite et leurs dérives. En réalité, ces dérives s’appuient sur un discours consensuel que véhiculent aussi bien des radios publiques, comme France Culture ou France Inter, que des journaux comme Le Nouvel Observateur ou les autres magazines. Là, bien sûr, les préjugés sont emballés dans un discours pseudo-laïque ou humaniste, mais alimentent l’idée d’une différence fondamentale entre « eux » et « nous », d’une menace permanente à laquelle notre société serait confrontée (non pas la crise, le chômage, les inégalités, etc., mais bien les Autres)...

La journée du 17 octobre (tout un symbole), sur France Inter, consacrée à l’islamisme radical n’est qu’un exemple, parmi tant d’autres, de l’obsession de la radio publique pour la menace musulmane.

L’éditorial de Thomas Legrand sur « Islamophobie, un mot piège », reprend, une fois de plus, le mensonge de Caroline Fourest : le terme serait apparu en 1979, « quand, juste après le renversement du chah d’Iran, des féministes américaines et des Iraniens opposants de gauche, qui avaient milité pour la révolution et la démocratie, se sont scandalisés des premières décisions sexistes et liberticides du régime de l’ayatollah Khomeini. Ils ont été qualifiés par Téhéran "d’islamophobes". »

Pour ceux qui sont intéressés, on peut renvoyer à l’étude « Towards a defintion of islamophobia : approximations of the early twentieth century » (PDF), de Fernand Bravo Lopez, parue dans Ethnic and Racial Studies (26 novembre 2010), qui revient sur le débat qui a agité la France (entre autres) à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle autour de l’islam. C’est de cette période que date le terme islamophobie, largement utilisé. Ce mot désigne alors, selon l’auteur, « la croyance que l’islam et les musulmans sont les ennemis implacables, absolus, éternels du christianisme, des chrétiens, de l’Europe et des Européens. » Il véhicule une « image de l’ennemi », c’est-à-dire « cette conviction d’un groupe que sa sécurité et ses valeurs de base sont menacés par un autre groupe. » N’assiste-t-on pas au même phénomène aujourd’hui, mais dans un contexte différent ?

Thomas Legrand explique benoîtement que le mot islamophobie, « loin de lutter contre l’amalgame entre les intégristes islamistes et les musulmans, ne fait que l’alimenter puisqu’il met, dans le même sac, la lutte contre l’islamisme radical, le blasphème et le racisme anti-musulman. » Il devrait lire le sondage du Figaro qui montre justement que cette distinction n’a aucune prise dans la réalité des perceptions que lui et sa radio ont largement contribué à créer.

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8 octobre 2012 1 08 /10 /octobre /2012 07:43

Comme l'ont montré les évènements de ce week-end, 26 années de lois et d'exceptions antiterroristes, au prix de multiples dérives, n'ont pas anéanti le phénomène. Description en une infographie animée de cette mécanique antiterroriste française, mise en place en 1986 au lendemain d'attentats et qui ne cesse de se durcir après chaque action terroriste. Par souci d'efficacité ?

 

La suite sur ce lien 

 

Sources Pierre ALONSO pour OWNI.fr

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26 septembre 2012 3 26 /09 /septembre /2012 16:41

Iran-Internet-intranet-mana-neyestani-papier.jpg

Sources : Owni.fr

Dessin de Mana Neyestani ©.

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 07:40

Pour le plus grand malheur des Syriens exterminés par le régime de Bachar El-Assad, l'actualité mondiale de ces derniers jours a été marquée par un film raciste intitulé "Innocence of Islam" qui a servi de base à une manipulation grossière par des intégristes musulmans.

Le racisme de ce film ne tient pas à sa représentation de Mahomet et donc à son aspect blasphématoire du point de vue des textes que les musulmans tiennent pour sacrés. Il ne tient pas non plus au fait qu'il critiquerait l'Islam, la critique de la religion constituant un droit indissociable à toute émergence d'un espace démocratique, nous y reviendrons. L'aspect raciste du film tient au fait, en parfaite cohérence avec la pensée de l'auteur de cet objet, qu'il vise très clairement à faire de tout musulman un danger pour la liberté et la civilisation, Mahomet ne tenant ici que le rôle de prétexte à l'expression de cette haine.

Comme en un sinistre jeu de miroir, des groupes intégristes musulmans ont sauté sur l'occasion pour nourrir le feu de la haine, déclenchant une vague de manifestations antioccidentales et plus spécifiquement tournées contre le très fantasmé axe américano-sioniste. On remarquera d'ailleurs avec quelle rapidité l'information, que l'on sait depuis fausse, de la nationalité israélienne de l'auteur du film incriminé et du financement de ce dernier par des "juifs riches" a été tenue pour un fait qu'il était plaisant de penser exact. Il est à se demander par quel étrange manquement les francs-maçons ne se sont pas retrouvés impliqués dans ce vaste complot anti-Islam mis à jour par des groupes extrémistes dont la malhonnêteté n'a d'égale que la violence de leur obscurantisme crasse.

Dans la séquence de ces derniers jours, deux haines étaient à dénoncer : le racisme et l'intégrisme. C'est pourquoi la réaction des pouvoirs publics français visant à "désapprouver" la publication de caricatures de Charlie Hebdo sur ce sujet est pour le moins inappropriée. La mécanique de l'argumentation est parfaitement huilée et avait d'ailleurs déjà été employée par Jacques Chirac, alors président de la République, au moment de l'affaire des caricatures de Mahomet en 2006 : bien que la France soit un pays respectant la liberté de la presse, il ne fallait pas mettre de l'huile sur le feu par d'inutiles provocations. A cette époque, le procès qui avait été intenté à Charlie Hebdo pour incitation à la haine avait amené François Hollande parmi d'autres à venir témoigner en faveur de l'hebdomadaire satirique sur une ligne de fermeté face aux attaques contre la liberté d'expression.

La position était juste et renvoyait à ce que les différents témoins "pro Charlie Hebdo", dont moi-même en tant que président de SOS Racisme, tenaient comme des évidences.

Tout d'abord qu'il ne fallait pas céder aux tentatives d'intimidations de la part des groupes intégristes, à l'instar de ce qu'avait été la réaction en 1989 lorsque l'imam Khomeyni lança une fatwa contre Salman Rushdie suite à la publication des Versets sataniques.

Ensuite qu'il fallait répéter inlassablement que la démocratie est indissociable du droit au blasphème puisque s'interdire de blasphémer, c'est interdire la remise en cause des dogmes tenus pour sacrés par les croyants de telle ou telle religion et donc interdire que les sociétés soient régulées par des lois issues de la discussion libre et rationnelle.

Les intégrismes ne défendent jamais le vivre ensemble, même lorsqu'ils se parent des habits de la lutte contre le racisme dont leurs coreligionnaires seraient les victimes. Il est d'ailleurs significatif de remarquer avec quelle constance les réseaux intégristes s'en prennent à Charlie Hebdo, hebdomadaire dont il est utile de rappeler qu'il fut de tous les combats antiracistes (contre les tests ADN, contre le débat sur l'identité nationale, contre la stigmatisation des musulmans, des étrangers, des enfants d'immigrés, des roms et des gens du voyage par le pouvoir sarkozyste, contre l'extension de la déchéance de la nationalité, pour le droit de vote des étrangers,...). Il est tout aussi significatif de constater que ces réseaux ne défendent que très rarement les musulmans lorsque ceux-ci sont pris pour cibles dans la parole publique, à travers des agressions ou du fait des discriminations.

A la vérité, les réseaux intégristes ne s'intéressent pas au bien-être des musulmans mais ne visent qu'à instaurer un monde théocratique dans lequel ils détiendraient seuls la légitimité de la mise en œuvre pertinente de la parole divine. Tout au contraire du vivre-ensemble, le carburant de l'intégrisme, tout comme le carburant du racisme, est la désignation de l'Autre, du bouc-émissaire, de celui qu'il faut détruire dans le délire d'une purification sans fin.

D'ailleurs, les intégristes qui se sont illustrés ces derniers jours n'ont-ils pas besoin que leurs coreligionnaires soient haïs du reste du monde pour ensuite mieux les enjoindre à accepter une solution d'enfermement doctrinaire ? C'est au demeurant le résultat le plus évident de leurs actes dont on remarquera qu'ils sont complaisamment présentés – facilité de l'amalgame et des explications globalisantes - comme l'expression de la "rue arabe" par maints médias, alors même que les groupes agissants étaient finalement assez circonscrits, se réduisant à chaque fois à des manifestations de quelques centaines de personnes.

Dans un monde marqué par la crise économique, par les gigantesques convulsions politiques nées de la lutte entre l'espoir démocratique et les régimes autoritaires ainsi que par la redéfinition de la hiérarchie des puissances, la tentation du populisme, de la recherche névrotique des racines et de l'instauration d'une prétendue pureté sont des maux que seule la fermeté de l'expression politique du camp démocratique et laïque permettra de combattre. Sans haine mais avec détermination.

Dominique Sopo, ancien président de SOS Racisme

 

Sources : Lemonde.fr

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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 13:12
L'alarme italienne contre la haute mafia

Grande figure de la magistrature indépendante en Italie, ayant fait du combat judiciaire contre la mafia l’engagement d’une vie au service du bien commun (lire ici son hommage, vingt ans après leur assassinat, à ses collègues Paolo Borsellino et Giovanni Falcone), le procureur Roberto Scarpinatoaime rappeler que le véritable pouvoir, celui de l’argent comme celui du crime – qui se confondent, se rejoignent ou se croisent souvent –, est toujours obscène, au sens étymologique de ce mot : ob scenum en latin, c’est-à-dire « hors scène ». Car le secret est l’obscénité foncière de ce pouvoir, et c’est bien pourquoi, dès qu’il est mis à nu comme dans les enregistrements du majordome des Bettencourt ou dans les documents Takieddine, sa réalité vraie, son avidité, sa brutalité et sa vulgarité nous sidèrent et nous stupéfient. Sur scène, dans ses lieux institutionnels, ce pouvoir met en avant l’apparence d’une représentation destinée au public. Hors scène, il se livre à ses trafics, combines et arrangements au nom de ses intérêts bruts et brutaux, sans aucune fioriture.

Extraordinaire réflexion à haute voix de Scarpinato sur la « mafiosiation » d’un monde dérégulé, comme sorti de ses gonds, Le Retour du Prince (Éditions La Contre Allée) est un livre incontournable pour comprendre de quoi le mot mafia est devenu le nom commun (écouter ici notre chronique audio) : d’un monde, le nôtre, où le conflit d’intérêts, cette prolifération des intérêts privés à l’abri de l’intérêt général, est de fait institutionnalisé ; où l’abus de pouvoir est ainsi légitimé, par accoutumance et résignation ; où la corruption devient « un code culturel qui façonne la forme même de l’exercice du pouvoir » ; où les plus hautes classes dirigeantes et possédantes pratiquent sans vergogne l’illégalité pour elles-mêmes.

Selon Scarpinato, la mafia des tueurs, cette « mafia militaire »issue des milieux populaires que chroniquent les médias, fait écran à la « haute mafia » qu’il a su démasquer au risque de sa vie dans ses enquêtes : ces politiciens, notables et financiers qui en sont les véritables bénéficiaires.

L’Italie mafieuse ne vous est pas étrangère, lancent à la face de l’Europe et du monde aussi bien Roberto Scarpinato que le journaliste Roberto Saviano, l’auteur du désormais célèbre Gomorra (voir ici son site personnel). Ce dernier ne cesse de s’étonner de l’indifférence ou de l’inconscience françaises vis-à-vis de la très concrète présence des diverses mafias italiennes en France, qui va de pair avec notre complaisance pour la criminalité corse (lire ici l’enquête du Point sur l’arrière-plan de la série télévisée “Mafiosa”).

« Voilà ce qu’est la France, aujourd’hui : un carrefour, un lieu de négociations, de réinvestissement et d’alliances entre cartels criminels », écrit Saviano en préface de l’édition française de son dernier livre, message qu’il a répété dans les médias (ici et ). Mais, surtout, insiste-t-il, cette extension des mafias d’en bas va de pair avec les pratiques mafieuses d’en haut. C’est ainsi, souligne Saviano (dans un récent entretien à La Repubblica), que le système bancaire international n’a guère fait la fine bouche, depuis la crise de 2008, pour récupérer et blanchir l’argent du crime afin de renflouer ses caisses et de trouver des liquidités.

C’est peu dire que la France, dont le parquet et ses procureurs ne sont pas, comme en Italie, indépendants du pouvoir exécutif, est en retard dans cette prise de conscience. Les anciennes rodomontades de Nicolas Sarkozy contre les paradis fiscaux, dont la liste noire fut ensuite blanchie comme par miracle, ont accompagné une démobilisation générale de l’État dans la lutte contre le crime financier et économique, d’où qu’il vienne. Le Service central de prévention de la corruption (SCPC), dont on a oublié jusqu’à l’existence, est devenu une coquille presque vide, en tout cas une structure impuissante comme l’admet son chef lui-même (lire son dernier rapport, de 2010).

Cette année, la Cour des comptes a sévèrement souligné les faiblesses de Tracfin, la structure administrative de renseignement financier créée pour lutter contre le blanchiment d’argent (son rapport est à télécharger ici en PDF). Et, tout récemment, l’OCDE s’est inquiétée des retards de la France en matière de lutte contre la corruption internationale, s’étonnant de la rareté des enquêtes et du manque de sanctions (à lire sur acteurspublics.com).

Pendant ce temps-là, les autorités américaines, pourtant peu suspectes de collectivisme confiscatoire, ont saisi l’opportunité de la crise pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Dans leur ligne de mire, la Suisse et ses banques, aujourd’hui dépositaires d’un tiers de la richesse mondiale manquante parce que détournée. Au nom de la souveraineté, qui est à la base du principe même de l’impôt et des recettes fiscales, les acteurs privés ne sont pas ménagés, notamment la banque UBS mise en cause par la justice américaine, tandis qu’un programme de dénonciation volontaire était mis en place. Mieux, le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), qui entre en vigueur à partir de 2013, sème la panique sur les places financières helvètes car il contraint les établissements financiers, sous contrainte de sanctions aux États-Unis mêmes, à transmettre automatiquement leurs informations sur des Américains détenteurs de compte.

Qu’attend la France pour faire de même ? Qu’attend-elle pour faire la guerre à l’évasion fiscale et combattre les paradis fiscaux ? Qu’attend-elle pour boycotter, en leur refusant toute commande publique, les sociétés, quelles qu’elles soient, qui ont des filiales dans ces enfers criminels ? Qu’attend-elle quand l’impôt sur les bénéfices des entreprises n’est que de 25 % en moyenne en Europe contre 40 % aux États-Unis ? Qu’attend-elle quand on sait qu’en trente ans, avec la baisse de la part des salaires et la hausse des profits, ce sont quelque 150 % du PIB de l’ensemble des pays européens qui sont partis vers les marchés financiers ? Qu’attend-elle quand la révolution industrielle, dont le numérique est le moteur, accroît ces déséquilibres, ses principaux oligopoles jouant à plein la carte des paradis fiscaux pour payer le moins d’impôt possible – le taux d’imposition affiché par Google est de 2,4 % !

En conclusion de son livre sur Les Paradis fiscaux (André Versaille éditeur), sous-titré Enquête sur les ravages de la finance néo-libérale, Nicholas Shaxson, dont la plume est accueillie aussi bien par le Financial Times que par The Economist, lance cette alerte :« Les paradis fiscaux sont un facteur déterminant de la façon dont le pouvoir politique et économique fonctionne dans le monde aujourd’hui. Ils permettent aux personnes, aux entreprises et aux pays les plus riches de conserver leurs privilèges, sans qu’il n’y ait pour cela aucune bonne raison. Les paradis fiscaux sont le théâtre où les millionnaires affrontent les pauvres, les multinationales les citoyens, les oligarchies les démocraties : à chaque fois, le plus riche l’emporte. »

Autrement dit, si une guerre acharnée ne leur est pas faite, avec constance et détermination, aucune politique socialement progressiste ne pourra durablement s’imposer, encore moins faire ses preuves. Car cet adversaire-là est déloyal, fourbe et secret, violent et puissant, sans frontières et sans états d’âme, tout comme l’est le crime organisé.

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 13:12
Un manque à gagner d'au moins 40 milliards par an

Loin d’être anecdotique, la question de la fraude et de l’évasion fiscales est donc un enjeu décisif du redressement économique et financier, social et moral de nos nations. Au-delà de la légitime sur-taxation des revenus les plus élevés, le nouveau pouvoir doit s’en emparer au plus vite, d’autant plus que c’est une arme pédagogique formidable dans le combat inégal entre les aspirations populaires et les prévarications oligarchiques. Et que cette question fait l’unanimité parmi les différentes forces qui ont soutenu François Hollande au second tour de la présidentielle, comme l’a montré la récente commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales (les deux tomes de son rapport sont téléchargeables en PDF ici et ses travaux consultables sur le site du Sénat ainsi que le blog de son rapporteur, Éric Bocquet).

Ce rapport incontestable et incontesté montre que la fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner d'au moins 40, voire 50 milliards pour le budget de la France ! Soit dix (ou vingt) milliards de plus que la saignée de 30 milliards d’économies que le gouvernement veut aujourd’hui imposer au pays ! Qu’attend le nouveau pouvoir pour s’emparer des riches travaux du Sénat, les approfondir à l’Assemblée nationale et, ainsi, initier une large dynamique parlementaire en faveur d’une lutte déterminée contre ces crimes financiers ?

La lecture des nombreuses auditions menées par les sénateurs met en évidence les lignes de front de cette bataille : d’un côté, un milieu des affaires, relayé par certains hauts fonctionnaires des finances, qui traite de haut la représentation nationale, entre morgue assumée et langue de bois ; de l’autre, tous ceux, des syndicalistes et associatifs jusqu’aux policiers eux-mêmes, qui espèrent enfin un sursaut.

Nos deux confrères déjà cités ont été longuement entendus par les sénateurs, faisant la pédagogie, schémas et graphiques à l’appui, de leurs trouvailles. « On m’a dit une fois, à Bercy, leur a confié Christian Chavagneux, qu’en prenant la Belgique, la Suisse, le Liechtenstein et le Luxembourg, on couvrait l’essentiel de la fraude fiscale française, aussi bien celle des particuliers que des multinationales. Il y a donc une fraude, une évasion et une optimisation agressive de proximité dans laquelle, toutes les statistiques le font ressortir, nos amis luxembourgeois tiennent un rôle particulier. » Une fraude qui est donc nichée au cœur de l’Europe, le Luxembourg et la Belgique faisant partie des six membres fondateurs de l’Union européenne ! Et de rappeler que, tandis que le premier détenteur de la dette publique américaine est l’ensemble des investisseurs situés dans les paradis fiscaux, les trois premiers pays où sont localisés les investisseurs qui détiennent la dette publique française ne sont autres que le Luxembourg, les îles Caïmans et le Royaume-Uni. 

Les sénateurs ont également entendu le magistrat financier Renaud Van Ruymbeke, initiateur avec d’autres, en 1996, de l’Appel de Genève (à relire ici) contre l’opacité financière des paradis fiscaux. À l’époque, a-t-il confié, il n’avait pas trop pris au sérieux la remarque d’un de ses collègues suisses qui lui disait : « Le gros problème, c’est la fraude fiscale. » Seize ans plus tard, il ne dirait plus que « la fraude fiscale est une chose, la criminalité organisée en est une autre » : « En réalité, même si la criminalité organisée ne représente que 1 % à 5 % de l’évasion fiscale, ces deux pratiques ont en commun un certain nombre d’outils que l’on pourrait appeler, sans aucune connotation politique, le libéralisme ou la mondialisation financière. (…) Dès que l’argent franchit les frontières, la loi de la jungle prévaut. »

S’il fut une vertu démonstrative des révélations de Mediapart depuis sa création en 2008, c’est de mettre au jour cette réalité. Apparemment, il n’y a pas de criminels endurcis parmi tous les protagonistes de nos enquêtes les plus spectaculaires, dont cet inventaire donne un aperçu : des fonctionnaires de l’armement etdes finances, du ministère de la défense et de celui de l’économie ;l’héritière Liliane Bettencourt et son entourage dans la haute société, d’avocats, de financiers, de notaires, de brasseurs d’affaires et de politiciens professionnels ; le réseau constitué par Ziad Takieddine où l’on croise notamment François LéotardNicolas Bazire (numéro deux de LVMH, le groupe de Bernard Arnault),Nicolas SarkozyÉdouard BalladurJean-François Copé

Pourtant, en ne s’en tenant ici qu’aux seules affaires Karachi,Woerth-Bettencourt et Takieddine (on pourrait y ajouter aussil’affaire Tapie), toutes nos enquêtes ont dévoilé le recours massif à des paradis fiscaux, une pratique généralisée de fraude et d’évasion fiscales, en somme l’habitude, dans ces milieux privilégiés, de la violation de la loi commune et, plus encore, une acceptation culturelle de cet illégalisme comme allant de soi (voir par exemple nos toutes dernières révélations sur les affaires de Takieddine avec la banque Barclays).

 

A suivre

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