Le blog de Jean Louis ALONSO, coups de cœur et coups de gueule ! Voyage intérieur !

VENDREDI 21 MARS.

Devant le cabinet dentaire, au Village ASPECA de BTG il y a une balançoire. Tous les matins à 8h qu’en j’arrive mais aussi à 11h quand je sors un petit garçon se balance, toujours au même rythme, toujours penché sur le coté gauche, il imprime et gère la cadence avec son pied gauche.

Je l’avais remarqué déjà début mars et un matin ses cris, ses pleurs m’avaient fait sortir du cab. On ne s’en été pas ému autour de moi, m’expliquant qu’il était épileptique et qu’on lui donnait du Tégrétol et des Barbituriques.

Le lendemain matin, très tôt, vers 4 ou 5h il était venu frapper violemment à la porte du bureau, j’étais sorti et j’essayais de comprendre ; on était venu le récupérer.

Hier matin je me suis un peu approché de la balançoire et j’ai souri au petit garçon, il a souri aussi. Ce matin également. Je vais bientôt partir, ce sourire va me manquer.

SAMEDI 22 MARS.

Dernier jour à BTG !

Vont me manquer les petits qui sourient lorsque je les croise, ils me connaissent tous, moi pas, ils sont tous (270) passés au cab dent. Vous en connaissez beaucoup des enfants qui sourient au chir dent chez nous ?

Vont me manquer les « Mamans » qui jour après jour font de ces enfants qui n’ont pas eu de chance au début de leur vie des hommes et des femmes du Cambodge de demain. Il en a bien besoin ce Cambodge car après Lon Nol et les milliers de tonnes de bombes déversées par les américains puis Pol Pot et les Khmer Rouges à partir du 17 avril 1975, après la corruption qui asphyxie toute vie économique et sociale, un jour viendra, je le souhaite ou le Cambodge se réveillera !

Va me manquer le sourire du petit bonhomme à la balançoire.

Vont me manquer les deux bécasses qui ont bossé avec moi, Vithar et Kolline, elles ont beaucoup ri, et j’ai parfois rouspété mais chacun dans sa langue ! Ça minimise !

Va me manquer « Sina » qui m’a préparé tous les jours des plats succulents, épicés, pas toujours identifiés mais délicieux.

Va me manquer Vuthy, le directeur du centre, homme pressé mais bosseur portant à bouts de bras le centre de plus de 300 individus. Seul pour distribuer en espèces toutes les semaines les « Riels » aux Mamans afin qu’elles nourrissent chacune leur famille de 10 enfants, seul pour réparer l’aspirateur chirurgical du Cab Dent, seul pour changer les piles de la télécommande de la clim, etc. . . . .  Ici tout passe par lui !

Va me manquer Savat qui arrive le premier au bureau. Ici, c’est le vieux ! Il a les cheveux blancs et parle français, il l’a appris à l’école sous le Protectorat Français. En 1975, il a fuit avec toute sa famille au Vietnam.

Va me manquer la petite jeune fille qui tous les matins m’apporte un café au lait en poudre sucré accompagné de pain frais et / ou de petits gâteaux enveloppés dans un sachet en cellophane.

Va me manquer la « Couillette » du cybercafé qui se trompe une fois sur deux en me faisant payer.

Va me manquer le marchand de tissus du marché de BTG que je vais saluer souvent ; dur en affaire le bougre ! Il ne lâche pas sa soie si facilement que ça ! Mais il me fait le change en petites coupures et m’indique où je peux trouver tel ou tel article dans ce grand bazar foutoir !

Mais !  

Ne me manquera pas la zique à 5h du mat.

Ne me manquera pas la chaleur humide qui à partir de 11h du mat recouvre tout d’un manteau de silence. Parfois, vers 16h, l’Est fait bruisser les palmes des cocotiers, des cumulus se forment. Il va peut être pleuvoir ! Nous danserons sous la pluie ! Merde ! ! ! Il n’a pas plu.

Ne me manquera pas la chaleur des draps au coucher, ni les cris du gecko plusieurs fois par nuit qui loge au dessus.

Mais globalement BTG, tu me manqueras !

Hier soir, petite fête sympa, j’avais acheté un peu de Bière, du Coca et des petits biscuits. Presque toutes les « Mamans » étaient là, elles ont beaucoup ri moi aussi mais je n’ai pas tout compris, nous avons même dansé sur « J’attendrai » de Dalida ! Le Cambodge avance !

Hier soir j’ai « Lavé » une chemise et je l’ai remise légèrement mouillée ce matin, un pur régal de fraîcheur, à refaire ; par contre coté plis ? ? ?

Aujourd’hui je fais ma valise, demain PPH et lundi Kompong Thom pour 2 jours puis Kompong Cham sur le Mékong.

Emotions en « Live » !

Il est 10h, je suis sur le PC, j’écris des messages à Dominique, à la famille, aux amis. Vithar arrive, elle vient m’offrir une chemine pour le mariage de Monika, elle trouve mes chemises de baroudeur pas assez « Chic ».

Devant la porte, une certaine agitation, une jeune femme, un nourrisson dans les bras, un enfant de 18 mois pleure à ses pieds. La femme a posé une valise, j’interroge Vithar.

« C’est un abandon, on ne peut pas le prendre, Vuthy (directeur du centre) n’est pas là, la « Maman » en charge des nourrissons non plus »

Je réagis immédiatement : « Pas question de laisser cette femme avec cette détresse, il faut faire quelque chose » L’émotion m’envahit !

La jeune femme pleure, des sanglots la secouent, le bébé s’agite, elle lui donne le sein, peut être pour la dernière fois !

Vithar passe un coup de fil, Savat est là aussi, quelques enfants du centre entourent la jeune maman qui pleure toujours, le nourrisson a l’air apaisé et le grand frère de 18 mois croque des graines de lotus. Ce genre de situation n’est pas rare ici.

Une décision se prend, Vithar écrit quelques lignes sur un cahier, la jeune maman « Signe » avec ses empreintes digitales, Savat aussi en temps que témoin et Vithar également. Entre temps une « Maman » ASPECA est arrivé, elle prend le bébé dans ses bras et s’éloigne. La jeune maman s’éloigne peu de temps après, l’enfant de 18 mois décortique toujours des graines de lotus. Elle ne reverra jamais cet enfant qui lui ne saura jamais qui est sa vraie maman. Il sera peut être adopté un jour par une famille italienne.  FIN.

J’ai du mal à retenir mes larmes.